L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
adams-politique-sexuelle-de-la-viande
Compte rendu du livre :
 
La Politique sexuelle de la viande
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Une théorie critique féministe végétarienne,
de Carol J. Adams,
Éditions l’Âge d’Homme, 2016 [1990].

La consommation de viande est souvent associée à la virilité. Le steak saignant, c’est pour les hommes, les vrais, les durs ; quant aux légumes, ils sont plutôt destinés aux femmes et aux femmelettes. Dans ce livre qui fit date au sein des mouvements féministes anglophones, et qui est enfin traduit en français, Carol Adams part de ces associations très courantes pour mettre à jour un lien entre l’exploitation des animaux dans le secteur de l’alimentation et les abus dont sont victimes les femmes dans la vie quotidienne.

Selon cette auteure, la chosification des animaux pour des plaisirs gustatifs irait en effet de pair avec celle des femmes pour des satisfactions sexuelles. Ces deux réifications participeraient de la même logique d’exploitation et de domination. Plus précisément, Adams met en parallèle l’obsession culturelle pour les parties du corps des femmes (seins, cuisses, fesses) — très présente dans la publicité, la pornographie et dans les conversations de tous les jours — avec l’idéologie de la consommation de viande qui réduit de nombreux animaux à de simples morceaux de chair (steak, jambon, côte de veau). Dans les deux cas, des êtres sensibles sont démembrés, symboliquement ou littéralement, pour devenir des objets de consommation. À chaque fois, leur individualité est niée, leurs intérêts dévalorisés et leur intégrité bafouée.

Or, selon Adams, une société qui appréhende certains de ses membres uniquement à travers les bénéfices que d’autres peuvent en tirer ne favorise pas le développement des valeurs d’égalité que prône le féminisme. Il serait toutefois trop simple d’imaginer que le sexisme qui en résulte n’est que de la responsabilité des hommes. Tant que les femmes elles-mêmes regarderont les animaux comme des biens consommables, à la merci de leurs caprices culinaires, elles perpétueront et normaliseront aussi cette logique de l’exploitation dont elles ont à souffrir. C’est la raison pour laquelle Adams estime qu’un féminisme cohérent doit aussi être un végétalisme…

Thomas Lepeltier, novembre 2016.


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