Manifeste pour une écologie de la différence,
de Hicham-Stéphane Afeissa,
Éditons Dehors, 2021.
L’humanité est violente à l’encontre des animaux et de la nature. Comment y remédier ? La solution souvent proposée de nos jours est de chercher à mieux prendre conscience de notre proximité avec la faune et la flore. Ainsi, les défenseurs des animaux soulignent que ces derniers, étant proches de nous – notamment à travers leurs capacités à éprouver des émotions et à souffrir –, devraient être davantage respectés. De la même manière, beaucoup d’écologistes soutiennent que nous devrions nous mettre à l’écoute de la nature et entrer en résonnance avec elle pour mieux réaliser la nécessité d’en prendre soin. Dans les deux cas, c’est donc sur ce qui nous ressemble, nous relie et nous rapproche que nous devrions fonder notre relation au monde.
Ce n’est toutefois pas l’avis de Hicham-Stéphane Afeissa. Selon ce philosophe, nous devrions au contraire être attentifs à ce qui nous différencie des animaux et de la nature. Ce serait même faire violence aux premiers que de ne pas les regarder à travers leur altérité fondamentale. Quant à la nature, elle mériterait aussi d’être appréhendée dans son étrangeté. C’est son caractère imprévisible et incontrôlable qu’il nous faudrait donc préserver, car c’est dans sa « part sauvage » que résiderait son plus grand potentiel. D’où ce manifeste pour une écologie de la différence.
On peut être d’accord avec l’auteur pour reconnaître qu’oublier l’altérité des animaux et l’étrangeté de la nature serait une erreur. En même temps, on peut douter de sa capacité à fonder un vivre-ensemble sans s’appuyer sur des ressemblances. Par exemple, comment justifier que les animaux doivent être protégés des actes de cruauté sans partir du fait qu’ils ont, en commun avec nous autres humains, une capacité à souffrir ? Aussi peut-on se demander si l’auteur, en cherchant à réhabiliter à juste titre l’altérité des animaux et l’étrangeté de la nature, n’a pas commis l’erreur d’aller trop loin, en voulant faire de ces caractéristiques les éléments centraux d’une nouvelle éthique.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
336, mai 2021.
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