Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

Perception et réalité.
Essai sur la nature du visible,

de Louis Allix,

CNRS Éditions, 2004.

      La perception est une énigme. Quelle est la nature de ce qui est vu ? Comment peut-on être sûr que ce que l'on voit est ce qui est ? Ce genre de questions, prétexte à d'interminables discussions dans les cercles philosophiques, peut apparaître surprenant au-delà tant il semble évident au commun des mortels que nous voyons directement les choses comme elles sont. Ne semble-t-il pas évident que la pomme rouge qui est devant moi reste exactement comme je la vois quand j'arrête de la regarder. Cette conception, appelée réalisme direct, présente toutefois l'inconvénient d'entrer en conflit avec la description scientifique du monde. Par exemple, selon les physiciens, le rouge de la pomme est uniquement un effet provoqué par la lumière réfléchie par celle-ci sur notre système visuel et non une propriété de ce fruit. En généralisant ce type d'analyse, on en vient à conclure que la vision ne nous offre pas un accès direct à la réalité extérieure mais uniquement une image de celle-ci.
      Cette conception, appelée réalisme indirect, n'est toutefois plus en vogue chez les philosophes qui cherchent pour la plupart à se défaire de l'idée que nous n'avons accès qu'à une représentation du monde. Pour ne prendre qu'un exemple parmi de nombreuses alternatives, certains philosophes prétendent ainsi qu'on ne voit pas une pomme rouge mais qu'on voit « rougement » une pomme. En ne faisant plus de la couleur une propriété des objets, mais de notre perception, cette théorie « adverbiale » de la couleur serait censée rendre compte d'un contact direct avec le monde extérieur. Erreur, répond ici Louis Allix. À travers une critique serrée des arguments qui soutiennent ces théories alternatives, il prétend en effet qu'il n'y a pas moyen d'échapper à la thèse du réalisme indirect. Le visible ne serait donc que dans notre esprit et chacun de nous serait enfermé dans le monde clos de ses représentations. Le propos n'est pas fondamentalement nouveau. Mais tout son intérêt ici est d'être défendu avec vigueur et rigueur. Cela ne l'empêchera pas d'être à son tour critiqué. Mais c'est ainsi que vont les débats philosophiques.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 154, novembre 2004.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr