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Compte rendu du livre :

Les Héros de l'histoire de France,

de Christian Amalvi,

Privat (Entre légendes et histoire), 2001.

      Pendant longtemps, on a raconté l'histoire de France aux enfants en faisant défiler devant leurs yeux une longue série d'images : Vercingétorix, vaincu, se livrant à César ; Clovis recevant le baptême à Reims ; Charlemagne créant l'école ; Roland expirant à Roncevaux ; Saint Louis rendant la justice sous un chêne ; Jeanne d'Arc périssant sur le bûcher de Rouen ; le peuple de Paris prenant la Bastille, etc. Né sous la IIIe République, ce type de mise en scène de l'histoire de France s'est perpétué dans les manuels scolaires jusqu'aux années 60. L'enjeu était clair : au-delà de l'histoire de leur pays, c'est toute une morale patriotique que les petits Français devaient intérioriser.
      Ils y apprenaient à célébrer les héros nationaux, avec les valeurs guerrières — bravoure, sens de la hiérarchie, de la discipline et du sacrifice — qui les accompagnaient. Et par là même, ils apprenaient à se méfier de l'étranger qui, quand il était vainqueur, se révélait presque toujours cruel et impitoyable, à l'instar de César qui se déshonora en faisant égorger son courageux rival, Vercingétorix. Les Français étaient en revanche presque toujours irréprochables. Des expéditions sanglantes de Charlemagne en Saxe aux entreprises coloniales du XIXe siècle, la France agissait toujours selon son bon droit et répandait généreusement la civilisation aux peuples encore plongés dans les ténèbres. Les écoliers étaient ainsi invités à communier ensemble autour de l'image d'une nation forte et éternelle, au sein de laquelle les différents conflits d'ordre politique, religieux ou social n'avaient plus de raison d'être depuis que la République avait triomphé.
      Se replonger dans cette mythologie nationale, afin d'en comprendre la logique et les enjeux, est ce à quoi nous invite Christian Amalvi dans ce petit livre fort instructif. La première édition date de 1979, mais Amalvi a réécrit entièrement ce livre afin de tenir compte de certains travaux récents et d'ouvrir le débat sur la façon dont on devrait enseigner l'histoire de nos jours dans un contexte plus européen. Or, il apparaît qu'Amalvi n'est pas aussi critique avec ce type d'histoire qu'a pu l'être par exemple une Suzanne Citron dans son livre Le Mythe national. L'histoire de France en question (Les Éditions ouvrières, 1991). Ce qui laisse présager que le débat pourrait être animé, et qu'il est donc peut-être temps de le commencer…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 131, octobre 2002.

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