L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
andre-gosseries-la-justice-climatique
Compte rendu du livre :
 
La justice climatique,
de Pierre André et Axel Gosseries,
Puf, 2024.

Vouloir limiter le réchauffement climatique est une chose. Le faire de manière juste en est une autre. En particulier, il ne faudrait pas que les mesures de limitation causent plus de dommages que le réchauffement lui-même. Mais comment définir le bon objectif ? On pourrait chercher l’optimum des coûts et bénéfices des politiques climatiques. Toutefois, dans cette approche globale, certaines populations pourraient se retrouver lésées. À la place, les mesures à implémenter pourraient être définies de façon qu’aucune population n’ait à souffrir du réchauffement au-delà d’un seuil à définir. Le problème est que ce dernier est arbitraire et, s’il est trop bas, risque de trop limiter le développement des pays les plus pauvres. Une troisième solution consiste à déterminer un mode d’action visant en priorité l’efficacité, tout en s’assurant que les perdants obtiennent des compensations. Mais cela reviendrait à dédommager les plus gros pollueurs.

Pour ajouter aux difficultés, à côté de cette question de l’objectif, il faut savoir comment partager le budget carbone, c’est-à-dire la quantité maximale de carbone qu’il reste à émettre pour limiter les dégâts. Les pays dont l’économie repose fortement sur les énergies fossiles ont-ils un droit acquis à en émettre davantage que les autres ? Ou la quantité d’émission doit-elle être la même pour tout individu ? Ou faut-il définir un droit d’émettre suffisant pour mener une vie décente ? Là encore, ces trois options ont toutes leurs avantages et inconvénients. Il en est de même pour la répartition des efforts. Faut-il suivre le principe du pollueur-payeur ? Celui du bénéficiaire-payeur ? Ou faire payer en fonction des capacités de chacun ? Pour corser le débat, il faut aussi se demander quelle est l’articulation la plus équitable entre obligations individuelles et obligations collectives.

Comme le montrent Pierre André et Axel Gosseries, aucune de ces questions n’a de réponse claire et nette. Loin des discours convenus à coup de « il n’y a qu’à », leur livre souligne donc que les débats sur la justice climatique sont complexes, voire insolubles.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 376, mars 2025.


Pour acheter ce livre : Amazon.fr ou Place des libraires.