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Compte rendu du livre :

La Controverse expliquer - comprendre.
Une approche pragmatico-transcendantale,

de Karl Otto Apel,

Traduit de l'allemand par Sylvie Mesure,
Les Éditions du Cerf (Passages), 2000 [1979].

      Entre les sciences humaines et les sciences de la nature n'y a-t-il qu'une différence d'objet d'étude ? Ou y a-t-il aussi — plus exactement doit-il y avoir — une différence de méthode ? Autrement dit, doit-on aborder de la même façon les comportements humains et les phénomènes naturels ? Certains diront qu'il n'y pas de raison de faire de distinction, puisque l'homme n'occupe pas un statut à part dans l'univers au sein duquel il vit ; ce qui est valable pour le second doit donc être valable pour le premier (d'où le désir, par exemple, d'expliquer les phénomènes mentaux par la biologie du cerveau). Mais d'autres rétorqueront qu'il faut faire une telle distinction puisque la compréhension que l'on peut avoir d'un comportement humain — par empathie ou sympathie — n'est pas forcément réductible à une explication qui, comme cela se passe dans les sciences de la matière, subsume tel phénomène particulier sous telle loi générale.
      Ce sont les tenants et les aboutissants de cette controverse, toujours vivante, que le philosophe allemand Karl Otto Apel (né en 1924) analyse dans ce livre, dont la version originale remonte à 1979. Les différents arguments sont alors regroupés suivant trois grands moments. C'est d'abord Wilhelm Dilthey qui, en 1883 et en réaction contre un scientisme et un positivisme conquérants, fit de cette dichotomie entre expliquer et comprendre le fondement d'une distinction entre sciences de l'esprit (histoire, psychologie...) et sciences naturelles (physique, chimie, biologie...). C'est ensuite avec des épistémologues cherchant à définir une méthodologie scientifique unifiée, et particulièrement avec Carl Gustav Hempel à partir de 1942, qu'est réaffirmée l'idée que toute méthode compréhensive qui se voudrait scientifique doit pouvoir se réduire à des explications par des lois générales. C'est enfin le moment wittgensteinien où, à partir d'une analyse du langage, la controverse reprend de la vigueur par l'introduction de la distinction entre les causes et les raisons d'un phénomène.
      Autant d'aspects délicats que l'auteur analyse ici de façon serrée avant d'introduire son idée de « solution ». Disons — pour faire simple — que celle-ci s'appuie sur l'idée que l'explication et la compréhension seraient, dans tout processus cognitif, plus complémentaires qu'irréductibles, au sens où toute explication présupposerait un acte de compréhension.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 113, février 2001.

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