Compte rendu du livre :

Le Prix du monothéisme,

de Jan Assmann,

Traduit de l'allemand par Laure Bernardi,
Aubier (Collection historique), 2007.

      La croyance en un ou plusieurs dieux ne serait pas vraiment ce qui distingue le monothéisme du polythéisme : il n'aurait jamais existé de religion se définissant par la pluralité et il n'y aurait pratiquement aucune religion dite monothéiste qui ne reconnaîtrait pas l'existence d'êtres intermédiaires entre l'homme et Dieu. Si ce n'est pas l'unicité du divin, quel critère permet donc de distinguer les religions dites monothéistes des religions dites polythéistes ? Pour l'égyptologue Jan Assmann, c'est la notion d'exclusion : le monothéisme se caractériserait avant tout par la négation de l'existence des dieux « autres ». Alors que dans le polythéisme, la religion des autres était ressentie comme compatible avec celle que l'on avait, le monothéisme aurait en effet introduit la distinction entre le vrai Dieu et les faux dieux, ou entre le vrai dogme et les dogmes erronés. Cette mutation du rapport au divin correspond à ce que Assmann appelle la « distinction mosaïque ». Ce ne fut pas un événement historique modifiant le monde une fois pour toutes, mais une idée régulatrice qui aurait déployé sa puissance de transformation du monde par à-coups, des siècles et des millénaires durant.
      Cette thèse, Jan Assmann l'avait esquissée dans Moïse l'Égyptien (2003) où il retraçait l'histoire de la « mémoire culturelle » de la première « distinction mosaïque » introduite par le pharaon Aménophis IV (Akhenaton), plus tard associée à la figure de Moïse. L'ouvrage avait suscité maintes controverses. N'était-ce pas une attaque frontale dirigée contre le monothéisme comme principale source d'intolérance dans le monde et l'expression d'une nostalgie du paganisme ? Revenant ici sur ces accusations, Assmann précise et amende les concepts utilisés dans le précédent livre. On pourrait certainement discuter du rôle qu'il continue à faire jouer au souvenir du geste d'Akhenaton dans l'histoire des religions. Reste que ses réflexions sur l'essence du monothéisme sont toujours très stimulantes.

Thomas Lepeltier, 2007.

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