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Compte rendu du livre :

Heinrich Hertz.
L'administration de la preuve,

de Michel Atten et Dominique Pestre,

PUF (Philosophies), 2002.

      Qu'est-ce qu'une preuve en science ? Et que veut dire démontrer scientifiquement la validité de telle ou telle thèse ? Questions difficiles. Il serait en tout cas trop simple de croire qu'il existe des preuves absolues, données une fois pour toutes, et absolument contraignantes. Ce n'est d'ailleurs pas ce que l'histoire des sciences montre. On voit au contraire que les arguments avancés par les chercheurs dans leurs recherches font rarement l'unanimité pour tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont les compétences pour les juger. Cela ne veut pas dire que la notion de preuve soit subjective ou, d'une manière générale, relative. Mais simplement que la « preuve » réside dans une série d'arguments qui se dégagent d'un ensemble de recherches, sans qu'il soit possible de dire exactement lequel est vraiment décisif.
      C'est en tout cas ce qu'ont voulu illustrer les deux auteurs de ce petit livre en analysant l'accueil fait aux résultats des expériences du physicien allemand Heinrich Hertz (1857-1894). D'un côté, tous les physiciens contemporains de Hertz soulignèrent l'importance de sa découverte. Il était celui qui avait su produire et détecter des ondes électromagnétiques (ce sont de telles ondes, dites hertziennes, qui sont depuis lors utilisées, par exemple, pour la radio et la télévision). Il confortait ainsi la théorie de James Clerk Maxwell (1831-1879), qui unifiait en un même ensemble conceptuel l'électricité et le magnétisme, et dévoilait la nature électromagnétique de la lumière. D'un autre côté, et cela au même moment, certains de ces physiciens doutaient de la fiabilité d'une partie des résultats de Hertz et jugeaient ses expériences problématiques.
      Impossible de considérer, par conséquent, que la preuve ait pris une forme explicitement articulée et logiquement imparable. Mais le doute n'empêcha pas les physiciens sceptiques de reproduire des expériences similaires à celles de Hertz et d'obtenir des résultats plus ou moins conformes aux siens. Du coup, ils pouvaient aller de l'avant et progresser dans leurs recherches grâce à ces nouvelles idées. C'est dans cette pratique qu'il acquirent leurs certitudes. C'est donc, en quelque sorte, l'usage qui fit office de preuve. Ou, comme le disent nos deux auteurs, « c'est moins de prouver l'existence des ondes (ou de les rendre visibles) qui convainc que de les manipuler ».

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 132, novembre 2002.

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