L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
attfield-environmental-ethics
Compte rendu du livre :
 
Environmental Ethics.
A Very Short Introduction,
de Robin Attfield,
Oxford University Press, 2018.

L’actuelle crise environnementale amène une part croissante de l’opinion à prôner un plus grand respect pour la nature. Mais comment fonder une éthique de l’environnement ? C’est la question que soulève ce petit livre du philosophe Robin Attfield. Pour souligner les limites de l’éthique anthropocentrée qui domine depuis longtemps, il rappelle une expérience de pensée mettant en scène, après une catastrophe nucléaire, le dernier homme sur Terre. Seul au monde, sans espoir de survie et de postérité, cet individu pourrait se dire qu’il n’y a pas de problème à éliminer le reste de la faune et de la flore. Si l’idée dérange, c’est qu’il n’y a pas que l’humanité qui compte moralement. Mais quelles sont précisément les autres entités ayant une valeur intrinsèque ? Pour simplifier, disons qu’il existe trois réponses possibles. Selon le pathocentrisme, ce sont uniquement les animaux ayant une capacité à souffrir. Selon le biocentrisme, c’est l’ensemble du vivant. Enfin, selon l’écocentrisme, ce sont toutes les entités naturelles (espèces, forêts, rivières, etc.). Chacune de ces trois options a ses défauts. Si seuls les animaux sensibles sont à respecter, saccager des arbres ne pose aucun problème éthique. Si seul le vivant est à prendre en compte, la disparation du dernier ours polaire n’est pas plus grave que la mort d’un cochon dans un abattoir puisqu’une espèce n’est pas vivante comme le sont ses représentants. Enfin, dans un monde où les écosystèmes sont en évolution permanente, vouloir les préserver tels qu’ils sont à un moment donné n’a pas beaucoup de sens. Tout en étant conscient qu’il n’y a donc pas de solution parfaite, l’auteur affiche quand même sa préférence pour le biocentrisme.

Il lui faut ensuite déterminer laquelle des quatre grandes éthiques est la plus appropriée à un respect de l’environnement. Pour commencer, peut-on imaginer que nous soyons tenus par une sorte de contrat qui assurerait l’équité de nos relations avec les animaux, le vivant ou les écosystèmes ? C’est difficile à concevoir avec des entités qui ne peuvent dire mot. À la place du contractualisme, on pourrait opter pour l’éthique de la vertu qui nous enjoint d’adopter un comportement vertueux (être bienveillant, être prudent, etc.). Mais agir avec une bonne intention ici ou là peut parfois entrainer des conséquences néfastes pour l’environnement à un niveau plus global. Quant à l’approche déontologique, où l’on respecte des devoirs (par exemple, ne pas tuer d’animaux ou ne pas couper d’arbres), elle ne permet pas de gérer des situations de conflits d’intérêts (par exemple, entre des herbivores et des arbres). Aussi l’auteur privilégie-t-il l’approche conséquentialiste selon laquelle nos actions s’évaluent uniquement à leurs conséquences. Mais il rejette l’utilitarisme, qui est un conséquentialisme cherchant à maximiser les plaisirs et minimiser les souffrances, car cette conception ne concerne que les animaux sensibles. En ce sens, il est un conséquentialiste biocentriste. Reste que prédire les conséquences de nos actions sur le vivant sur le long terme n’est pas toujours évident.

Aussi intéressante soit-elle, cette position en matière d’éthique environnementale ne fait pas l’unanimité. Les débats font rage à ce sujet, de sorte que notre société n’arrive toujours pas à définir clairement ni ce qu’il faut protéger ni le principe selon lequel il faut agir. Il n’est donc pas surprenant que nous ayons tant de mal à prendre soin de notre environnement. Une chose est sûre : il vaut mieux commencer à y réfléchir…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 315, juin 2019.


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