Compte rendu du livre :

Sully à travers l'histoire.
Les avatars d'un mythe politique
,

de Laurent Avezou,

Préface de Bernard Barbiche,
École des chartes, 2001.

      Le regard que l'on porte sur les personnages historiques du passé est souvent tributaire de la longue suite de portraits plus ou moins fidèles qui en a été dressée au cours du temps. D'où l'intérêt d'étudier l'évolution de telle ou telle figure historique pour comprendre, au-delà de l'homme ou de la femme qui se cache derrière, la façon dont l'histoire est sans cesse réécrite.
      En retraçant dans ce livre l'histoire des multiples représentations de Sully (1560-1641), ministre et compagnon d'Henri IV, Laurent Avezou n'a certes pas choisi un personnage historique à la postérité fortement mouvementée, comme ce fut le cas pour Jeanne d'Arc, par exemple (cf. Gerd Krumeich, Jeanne d'Arc à travers l'Histoire, Albin Michel, 1993). Il n'en est pas moins vrai que ce livre, à la fois clair et riche en information, illustre bien comment l'écriture de l'histoire est souvent guidée par des considérations politiques et comment l'élaboration du savoir historique repose sur une part d'arbitraire.
      Il est d'abord intéressant de noter que si Sully, lors de sa retraite « forcée » après l'assassinat d'Henri IV (1610), fit pratiquement l'unanimité contre lui, il fut néanmoins par la suite un héros consensuel, au point d'être revendiqué plus tard aussi bien par les royalistes que par les républicains. Seule sa présence dans les discours historiques connut des hauts et des bas en fonction du profit politique qui pouvait en être fait. Si les temps forts se situent pendant la seconde moitié du xviii e siècle, durant la Restauration et sous le Régime de Vichy, c'est toutefois l'enseignement républicain qui consacre vraiment l'image du « bon ministre » de ce grand serviteur de la monarchie. En tout cas, l'image du ministre soucieux des paysans et de l'agriculture, ou celle du restaurateur des finances, éclipsa rapidement celle du soldat combattant aux côtés d'Henri IV. C'est que Sully était évoqué le plus souvent pour ramener la concorde, rarement pour appeler au combat ; c'était en quelque sorte une image au service de l'idée que la logique nationale transcendait la logique partisane. À l'exemple du régime de Vichy qui loua en Sully l'artisan de la reconstruction nationale au sortir des guerres de Religion, pour pouvoir ainsi prophétiser la régénerescence prochaine de la France… Ainsi vont les images du passé.

Thomas Lepeltier, 2002.

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