Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

Le point de vue animal.
Une autre version de l’histoire,

de Éric Baratay,

Seuil (L’univers historique), 2012.

Baratay

       « On descendait le cheval [au fond de la mine] ; et c’était toujours une émotion, car il arrivait parfois que la bête, saisie d’une telle épouvante, débarquait morte. » C’est ce qu’écrit Émile Zola à l’issue de ses enquêtes sur les conditions de vie au fond des mines, vers 1884. Pas de doute, la frayeur des chevaux était intense. Même s’ils survivaient à cette descente, qui se faisait pourtant en douceur pour éviter qu’ils ne heurtent les parois de la fosse, ils mettaient de longues minutes à retrouver leurs sens et à pouvoir se relever. Voilà qui donne une idée de ce que pouvaient éprouver les chevaux tout juste embrigadés dans l’industrie minière.
       On ne saura jamais vraiment comment les animaux vivent et voient l’histoire qu’ils partagent avec les êtres humains, puisqu’ils ne parlent pas et n’écrivent pas, mais il existe ainsi de nombreux témoignages, informations et documents qui nous laissent quand même entrapercevoir leur point de vue. C’est ce dernier qu’a essayé de reconstituer l’historien Éric Baratay dans ce livre original. À travers moult détails, il essaye donc de montrer comment les chevaux, les vaches, les taureaux, les chiens, les cochons et autres animaux ont vécu au sein des sociétés humaines, dans la rue, à la mine, à l’étable, dans l’arène, à la guerre…
       S’il existe parfois des moments de connivence entre les hommes et les bêtes, ce qui frappe dans cette histoire vécue par les animaux, c’est la violence qu’ils ont subie et continuent à subir. L’animal domestiqué est avant tout un être exploité qui souffre terriblement. L’industrie de la viande avec ses élevages intensifs, qui se développe au XXe siècle, ne fait que pousser cette exploitation à son paroxysme. Mais, comme le souligne Baratay, cette souffrance ne laisse pas toujours indifférent. Surtout depuis la fin du XIXe siècle, des voix s’élèvent pour mettre un terme à la cruauté envers les animaux. Peu audibles pendant longtemps, elles montent aujourd’hui en puissance. Ce n’est donc pas un hasard si ce livre savant en appelle à prendre en compte le point de vue animal dans les études historiques. Il est symptomatique d’un malaise grandissant…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 242, novembre 2012.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr

Autres livres à signaler :

— Éric Baratay, Bêtes de somme. Des animaux au service de l’homme, Points-Seuil, 2011.

— Elisabeth Hardouin-Fugier, Histoire de la corrida en Europe du XVIIIe au XXIe siècle, Connaissances et Savoirs, 2005.