Compte rendu du livre :
Aurais-je été résistant ou bourreau ?
de Pierre Bayard,
Éditions de Minuit, 2013.
« Comme de nombreuses personnes de ma génération, nées dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et élevées dans ses récits, je me suis souvent demandé comment je me serais comporté dans ces circonstances dramatiques. » Dans ce livre original, l’essayiste Pierre Bayard creuse cette question, en s’imaginant avoir 18 ans au début de la guerre. Il lui est bien sûr impossible de savoir avec quelque certitude quelle aurait été sa trajectoire personnelle. Mais, en reconstituant le parcours de certains personnages de l’époque, tout le pari de l’auteur est de montrer que les choix que l’on fait dans ce genre de circonstances ne sont pas complètement aléatoires. Certes, il existe des itinéraires surprenants, comme celui de Daniel Cordier, militant d’extrême droite antisémite qui se retrouve secrétaire du chef de la résistance Jean Moulin. Il n’en reste pas moins que des contraintes psychologiques et sociales semblent limiter les possibilités de choix, comme cela s’est d’ailleurs passé pour ce Cordier qui n’acceptait pas la défaite de la France.
Au fil du livre, l’auteur analyse donc les décisions qu’il aurait pu prendre à différents moments de la Guerre en les comparant à celles de son père et à celles d’autres individus de l’époque. Par ce biais, il invite ses lecteurs à réfléchir sur ce qui poussa le consul du Portugal à Bordeaux, Sousa Mendes, à délivrer 30 000 visas à des réfugiés, dont 10 000 Juifs, fuyant l’invasion allemande. Il tente également de comprendre comment Hans et Sophie Scholl ont réussi à surmonter leur peur pour distribuer à Munich, en 1942, des tracts appelant à la résistance contre le nazisme. À partir de tels exemples, il analyse ces moments où un individu décide de s’opposer à un ordre ou à un système hégémonique. Mais l’auteur analyse aussi ce qui a pu pousser des hommes ordinaires à participer à l’extermination de milliers de Juifs, ou encore ce qui a fait que beaucoup de gens n’ont été ni bourreaux ni résistants.
L’itinéraire imaginé de et par Pierre Bayard lui-même n’est bien sûr pas très important ici, si ce n’est qu’il rend plus concrètes ses réflexions. Il est surtout un prétexte pour nous amener à réfléchir sur la façon dont se décident des vies, dont la nôtre…
Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 248, mai 2013.
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Autres livres à signaler :
— Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, Éditions de Minuit, 2007.
— Pierre Bayard, Comment améliorer les oeuvres ratées ?, Éditions de Minuit, 2000.
