Compte rendu du livre :
Des Savants face à l'occulte, 1870-1940,
de Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel (eds),
La Découverte (Sciences et société), 2002.La communauté scientifique n'a pas toujours regardé d'un œil condescendant, voire réprobateur, ce que l'on désigne par le nom d'occulte. Tables tournantes, médiums et ectoplasmes ont en effet suscité beaucoup d'intérêt chez les scientifiques français au tournant du XXe siècle : Pierre Curie assista régulièrement aux séances d'un des plus célèbres médiums de l'époque ; Charles Richet fit des expériences pour observer les fantômes, tout en poursuivant des recherches qui lui vaudront le prix Nobel de médecine en 1913 ; Camille Flammarion s'intéressa autant à l'astronomie qu'aux histoires de communication avec les esprits des morts. Bref, ce fut une époque où les scientifiques semblaient plus ouverts que de nos jours à certains soi-disant pouvoirs étranges de l'esprit.
D'une certaine manière, cet intérêt se comprend. Si les phénomènes dits occultes mettaient en jeu des esprits qui se manifestaient sous forme de forces, de mouvements ou de rayons lumineux, il devait être possible, disait-on, de soumettre leurs manifestations à une étude scientifique. Certes, tout cela semblait bien mystérieux. Mais la science elle-même était confrontée à des phénomènes étranges, en particulier dans le domaine des relations entre la matière et les rayonnements. Sans oublier que des disciplines récentes comme la psychologie et la neurologie, notamment avec Charcot et ses études sur l'hystérie, se trouvaient confrontées à l'hypnose, que pratiquaient justement les spirites.
Cette période de relatif engouement prit toutefois fin à partir des années 1930, et l'attrait se transforma en vive opposition. Les raisons de ce « grand partage » qui s'opéra entre science et occultisme semblent multiples. Certes, les scientifiques décelèrent des fraudes chez certains médiums et ils se lassèrent d'étudier ces esprits finalement insaisissables. Mais, en même temps, ils se mirent à faire preuve d'autoritarisme et à rejeter comme absurde tout ce qui bousculait leurs certitudes, niant ainsi l'esprit critique qu'ils prétendaient pourtant défendre. Rendre compte de la complexité de cette évolution n'est donc pas chose aisée. Sans prétendre y arriver complètement, ce recueil d'articles se propose plus modestement d'éclairer certains aspects de cette confrontation entre les savants et l'occulte. En tant que telle, l'entreprise est réussie.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 129, juillet 2002.
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