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Compte rendu du livre :

Fabriquer la vie.
Où va la biologie de synthèse ?,

de Bernadette Bensaude-Vincent et Dorothée Benoît-Browaeys,

Éditions du Seuil, 2011.
biologie de synthese

      Le rêve de fabriquer la vie semble être en train de se réaliser. En mai 2010, l'équipe de Craig Venter déclare avoir reconstruit le génome d'une bactérie et l'avoir incorporé à une cellule. Sous les projecteurs des médias, ces inventeurs annoncent l'avènement d'une ère nouvelle dans laquelle des formes vivantes inédites vont être créées au bénéfice de l'humanité. On va bientôt fabriquer des bactéries capables de produire des biocarburants, d'absorber le dioxyde de carbone de l'atmosphère, de générer des médicaments, etc.
      Que faut-il penser de cette prouesse technique et de l'espoir qu'elle suscite ? Pour répondre à cette question, les deux auteures de ce livre nous convient à un instructif tour d'horizon de la biologie de synthèse, dans ses dimensions aussi bien technique qu'économique et sociale. Tout en reconnaissant l'existence de possibles bienfaits de cette biologie de synthèse et tout en soulignant son intérêt heuristique pour la biologie — au sens où on ne comprend bien que ce que l'on fabrique soi-même —, elles mettent clairement en avant ses limites et travers.
      En particulier, les auteures font remarquer que les espoirs mis dans la fabrication de la vie reposent bien souvent sur le paradigme du « tout génétique », au moment précis où ce dernier semble dépassé. Certains projets de la biologie de synthèse semblent donc difficilement réalisables pour la simple raison que l'interaction des nouveaux organismes vivants avec leur environnement n'est pas prise en compte. Les auteures estiment d'ailleurs que cette inconsistance est entretenue par une tendance des chercheurs à se focaliser sur des entités isolées, parce que celles-ci sont plus facilement brevetables. Or il serait plus pertinent d'aborder les formes vivantes inédites comme partie prenante d'un écosystème. Ce qui montre que l'enjeu de ces recherches est finalement moins de fabriquer des micro-organismes, que de gérer leurs interactions et leur évolution. Mais, dans ce cas, il est plus difficile de penser en termes de profit financier. Comme quoi, la biologie de synthèse est une aventure éminemment politique !

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 232, décembre 2011.

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