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Compte rendu du livre :

Physique et Philosophie de l'esprit,

de Michel Bitbol,

Flammarion (Nouvelle Bibliothèque Scientifique), 2000.

      En philosophie certains problèmes apparaissent inextricables parce qu'ils sont mal posés. En s'attachant à une analyse du langage, Wittgenstein considérait même que beaucoup de ces problèmes n'avaient pas lieu d'être : une fois dénoué le « piège » des mots, il considérait qu'ils disparaissaient d'eux-mêmes. Michel Bitbol reprend ici cette démarche et aborde deux grands problèmes philosophico-scientifiques contemporains : celui de l'interprétation de la notion de mesure en mécanique quantique et celui des fondements biologiques de la conscience.
      En mécanique quantique, les objets ne sont pas décrits de façon univoque : un chat, par exemple, pour reprendre une célèbre expérience de pensée, peut être à la fois mort et vivant, alors que pour nous il est bien sûr mort ou vivant. Il reste alors à expliquer comment on passe d'une situation où il y a superposition d'états (mort et vivant) à celle où il n'y en a plus qu'un (mort ou vivant). Quant à expliquer la conscience, il est certes possible d'établir une correspondance entre telle situation cérébrale et tel aspect de celle-ci, mais cela ne dit rien sur leur relation causale. En somme, comment faire pour qu'une description objective rende compte d'une expérience subjective ?
      Pour Bitbol, ces deux problèmes sont liés. Non pas parce qu'on pourrait expliquer les problèmes de la mécanique quantique par l'intervention de la conscience ou inversement, mais parce qu'ils proviendraient de la même erreur qui consiste à attribuer des référents immuables aux mots. Or ce qu'enseigne la moindre analyse de la conscience, c'est qu'elle n'est pas détachable du fait d'être vécu ; et ce qu'enseigne la mécanique quantique, c'est que tout phénomène est lié au contexte expérimental dans lequel il se manifeste. La conscience ne peut donc pas être appréhendée comme un objet et l'état quantique comme un attribut d'objet. En rejetant cette ontologie implicite et en concevant une science qui n'aborderait pas la réalité comme déjà constituée mais qui intégrerait ses propres procédures d'objectivation, Bitbol tente alors de montrer que ces deux problèmes ne se posent plus.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 107, juillet 2000.

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