L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
The Sweet Spot.
Suffering, Pleasure and the Key to a Good Life,
de Paul Bloom,
Vintage, 2021.

Nous aimons souffrir. Pas d’une migraine ou d’un coup de marteau sur les doigts. Mais nous pouvons aimer regarder les films qui nous font peur ou qui nous attristent. Nous pouvons rechercher la dureté de l’effort physique, comme lors d’un marathon. Certains d’entre nous peuvent même aimer qu’on leur « fasse mal » au lit. Et ainsi de suite. Une première explication est que ces douleurs nous permettraient d’obtenir davantage de plaisir que si nous étions restés à regarder des films mièvres, allongés sur un canapé, à entretenir des relations convenues. Au bout du compte, ce serait donc toujours le plaisir et uniquement lui que nous rechercherions. Il faudrait juste, parfois, payer un certain prix pour l’obtenir. C’est du moins ce que pensent les hédonistes qui considèrent que notre objectif dans la vie est de maximiser la quantité de plaisir que nous éprouvons. Mais cette thèse ne convainc pas le psychologue Paul Bloom. Selon lui, nous rechercherions quelque chose de plus.

Passant en revue les études sur cette question, Bloom montre que, déjà, nous attribuons très souvent de la valeur à l’effort en tant que tel. Par exemple, un alpiniste qui rêve d’atteindre le sommet de l’Everest ne voit pas l’intérêt d’y être héliporté. Mais cette explication n’apporte pas beaucoup de lumière sur notre attrait pour les films d’horreur ou le masochisme. Ces recherches de frisson auraient plus à voir avec le plaisir du changement et de l’inattendu. Il y aurait toutefois un point commun derrière ces différentes formes de souffrance que Bloom identifie à une recherche de sens. Sans trop savoir comment, nous voudrions donner une signification à ce que nous entreprenons ou vivons. Ce désir de vivre « quelque chose » passerait même parfois devant la recherche de plaisir. Aussi, à l’encontre de la thèse hédoniste, Bloom défend-il un pluralisme des motivations : nous serions tous à la recherche du juste équilibre (the sweet spot) entre nos envies de plaisirs et notre besoin de sens. Comme le dit le sous-titre du livre, ce serait la « clé d’une vie bonne ». En somme, bien que fondamental, le plaisir ne serait pas la seule valeur cardinale de nos vies. Une certaine dose de souffrance, en contribuant à leur donner du sens, serait aussi nécessaire à notre satisfaction.

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 345, mars 2022.


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