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Compte rendu du livre :

L'univers en rebond.
Avant le big-bang,

de Martin Bojowald,

Albin Michel (Bibliothèque Sciences), 2011.

       L'idée que notre univers est né d'une conflagration générale est ancienne. Elle se rattache aux conceptions cycliques du monde. Au XXe siècle, on la retrouve dès les débuts de la cosmologie relativiste. En se plaçant dans le cadre de la relativité générale d'Albert Einstein, certains chercheurs imaginèrent en effet que l'univers, avant de se dilater, s'était contracté jusqu'à former un point, et avait rebondi sur lui-même. Le problème est que ce scénario reposait sur une extrapolation de la relativité générale à des états de très forte densité de la matière. Or, dans ces situations, cette théorie de la gravitation devrait prendre en compte les effets quantiques de la matière, ceux décrits par la mécanique quantique. Mais pour cela il faudrait que les chercheurs disposent d'une théorie quantique de la gravitation. À leur grand regret, elle n'existe pas encore.
       Une des pistes de recherche est ce qu'on appelle la « gravitation quantique à boucles ». Dans ce livre, Martin Bojowald présente son développement et montre comment elle permet d'apporter une certaine légitimité à cette idée d'univers rebondissant. Comme la théorie des cordes, sa grande rivale, la gravitation quantique à boucles a du mal à faire des prédictions qui pourront être corroborées dans un avenir proche. Honnête, Bojowald le reconnaît. Mais il souligne, à juste titre, que cela ne doit pas empêcher de continuer à développer ces deux théories. À défaut de pouvoir les confronter aux observations, c'est pour l'instant sur leur consistance mathématique qu'il faut les juger.
       Dans la gravitation quantique à boucles, il n'y a pas que la matière à être composée d'entités discrètes (les atomes). L'espace aussi est discontinu. La théorie doit son nom au fait que certaines propriétés de ces « atomes » d'espace peuvent être décrites mathématiquement comme des boucles. Concernant la cosmologie, cette approche fait disparaître la « singularité » lors de la contraction maximale de l'univers. Plus exactement, elle prédit que la force gravitationnelle devient répulsive peu avant le moment où la singularité serait autrement apparue. Ce qui génère le rebond de l'univers.
       S'il en est ainsi, il est possible que le rebond ne détruise pas toutes traces de l'avant big-bang. Il serait même envisageable que des indices de cette « préhistoire » de l'univers soient un jour observables. Pour l'instant, tout cela reste très spéculatif, mais le livre de Bojowald, qui a joué un rôle clef dans ces recherches, reflète bien une tendance actuelle des cosmologistes à essayer de penser « au-delà » du big-bang. D'où son intérêt.

Thomas Lepeltier, Pour la science, 403, mai 2011.

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