Alors que l’on parle de plus en plus des risques que fait courir à la planète l’explosion de la population mondiale, ce serait plutôt son effondrement qui nous menacerait. C’est du moins la thèse des deux auteurs de ce livre qui analysent l’évolution de la population humaine jusqu’à ses tendances les plus récentes. Études chiffrées à l’appui, ils montrent ainsi que, après une très forte croissance les deux derniers siècles, l’humanité va bientôt passer sous le seuil du taux de renouvellement de 2,1 enfants par femme. La population va donc se réduire. C’est déjà le cas dans plusieurs dizaines de pays, notamment au Japon, en Corée du Sud, en Espagne, en Italie et dans une grande partie de l’Europe de l’Est. Certes, tous les pays, en particulier ceux d’Afrique noire, ne sont pas encore entrés dans cette phase de décroissance démographique. Mais, selon les deux auteurs, cela ne saurait tarder.
Pendant une grande partie de l’histoire humaine, les taux de natalité ont été très élevés mais comme la mortalité l’était aussi, la population mondiale n’a augmenté que lentement. Puis, aux alentours de 1800, dans de nombreux endroits de la planète, l’accroissement de la production alimentaire et les améliorations en matière de santé publique ont fait baisser ces taux de mortalité. Les populations ont donc nettement augmenté. Ensuite, l’exode rural a entrainé une réduction des taux de natalité pour la simple raison que, en ville, les enfants ne sont plus une ressource comme ils le sont à la ferme. Enfin, le développement de l’éducation des femmes et leur égalité croissante avec les hommes ont très fortement renforcé cette réduction des naissances. Actuellement, cette dynamique, très liée à l’urbanisation croissante des sociétés, ne touche pas uniquement les pays les plus riches. Par exemple, la fécondité du Brésil est déjà inférieure à son taux de renouvellement et celle du Mexique y tend rapidement. Au rythme actuel de la baisse de la natalité, la population mondiale, estiment les deux auteurs, pourrait atteindre son pic aux alentours de 9 milliards d’humains au milieu du 21e siècle, pour ensuite décroître.
Contrairement à ce que pourraient penser les écologistes et les adeptes de la décroissance, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. On peut bien sûr se réjouir du fait que l’humanité exploitera moins les ressources naturelles, ne polluera plus autant, pourra plus facilement œuvrer contre le réchauffement climatique, empiètera moins sur les espaces sauvages, etc. En même temps, les pays qui voient leur population vieillir souffrent de pénuries de main-d’œuvre, n’innovent plus autant en matière technologique et voient leur marché interne se réduire. Sur un plan économique, les effets sont donc néfastes. Surtout, le vieillissement d’une population entraîne tout logiquement une forte augmentation des personnes âgées dont le soutien est rendu de plus en plus difficile par la réduction concomitante du nombre de travailleurs jeunes. Pour remédier temporairement à cette future misère sociale, une solution consiste à encourager l’immigration qui, selon les auteurs, profite toujours aux pays d’accueil. Malheureusement, de nos jours, beaucoup de pays n’y sont pas favorables. De toute façon, à plus long terme, cette force vive va aussi se tarir. Il va donc falloir que l’humanité apprenne à gérer le vieillissement et la réduction de la taille de sa population. Cette adaptation sera probablement un défi plus difficile à surmonter que celui, ancien et récurrent, de son augmentation.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
316, juillet 2019.
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