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Compte rendu du livre :

Galilée et Kepler.
Philosophie, cosmologie et théologie à l'époque de la contre-réforme,

de Massimo Bucciantini,

Préface de Maurice Clavelin, Traduit de l'italien par Gérard Marino,
Les Belles Lettres, 2008.

      Nous sommes au début du XVIIe siècle. Kepler, copernicien convaincu, établit que les orbites des planètes sont elliptiques. Galilée, autre copernicien convaincu, prend connaissance des travaux de Kepler, mais continue à attribuer aux planètes des orbites circulaires. Pourquoi ? Telle est la question fondamentale qui traverse cet essai érudit consacré à ces deux grands fondateurs de la science moderne.
      Cette question se trouvait déjà au cœur de l'étude magistrale de l'historien d'art Erwin Panofsky, Galilée critique d'art, publiée en 1954. On y découvrait un Galilée rejetant le maniérisme dans les arts en faveur de formes plus classiques. Position qui revenait à mépriser l'ellipse en poésie, en peinture ou ailleurs sous prétexte qu'elle travestissait le réel plutôt qu'elle ne le représentait. L'ellipse n'était d'ailleurs vue par Galilée que comme un cercle distordu. Panofsky établissait alors un lien entre ce préjugé esthétique de Galilée en faveur du cercle et son refus d'admettre que les planètes suivent des trajectoires elliptiques dans leur mouvement autour du Soleil, comme l'avait avancé Kepler.
      Sans rejeter l'apport de Panofsky, le livre de Massimo Bucciantini montre que ce choix de Galilée n'est pas qu'une affaire de goût esthétique. En suivant de près les relations de Kepler et de Galilée et en les replaçant avec minutie dans leur contexte historique, l'auteur montre en effet comment les cosmologies coperniciennes que proposent d'un côté Galilée et d'un autre Kepler reposent sur des principes différents. Ce qui explique pourquoi les deux savants ne réussirent jamais à s'entendre et à unir leurs forces contre les partisans du géocentrisme. La science du mouvement qu'a voulu établir Galilée était finalement incompatible avec la nouvelle dynamique céleste de Kepler. Même leurs façons de concevoir le rapport entre cosmologie et théologie étaient différentes. Bref, au début du XVIIe siècle, ce n'est pas parce qu'on est copernicien qu'on voit le monde de la même façon.
      Comme le souligne le préfacier, Maurice Clavelin, ce livre met ainsi à mal l'idée très répandue selon laquelle la science moderne est née « sous le coup d'une même inspiration et par la vertu d'une même méthode ». Pour comprendre la genèse de la science moderne, il ne faut donc pas chercher à en restituer un illusoire développement progressif, mais plutôt étudier comment elle s'enracine dans des démarches disparates. Cette leçon de méthode est un autre mérite de ce livre de référence.

Thomas Lepeltier, Pour la science, 376, février 2009.

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