L’Effondrement (du monde)
n’aura (probablement) pas lieu,
de Antoine Buéno,
Flammarion, 2022.
Notre monde peut s’effondrer. Là-dessus, tout le monde est d’accord. Il est même assez facile de construire des scénarios d’effondrement, fondés sur la raréfaction des ressources ou sur le réchauffement climatique. Ces scénarios rencontrent même un certain succès dans la mesure où nous avons souvent un désir inavoué d’avoir peur. Il est ainsi plus facile de captiver un auditoire avec des histoires de catastrophes qu’avec des récits de « trains qui arrivent à l’heure ». Mais, face au catastrophisme ambiant, l’essayiste Antoine Buéno relève le défi de montrer que, même s’ils sont plus difficiles à concevoir, d’autres scénarios sont possibles.
La première chose à comprendre, explique-t-il, est que la complexité de notre système économique n’est pas un signe de fragilité mais, contrairement à ce que disent les collapsologues, de forte résilience. Buéno rappelle aussi que, à l’instar de nombreuses pénuries passées, celles du futur ne nuiront pas nécessairement à la croissance économique. Par exemple, le pic pétrolier pourrait se produire en douceur si la consommation commence à chuter avant la production. Quant à la pénurie de métaux, elle est en permanence repoussée par la découverte de nouveaux gisements, certes de moins en moins riches, mais sans que cette pauvreté relative ne stoppe le développement économique. Il en est de même avec la pollution : il est probable que la société arrive à la contenir avant qu’elle ne nuise à son développement. De manière similaire, il y a peu de raisons de penser que l’actuelle baisse de biodiversité conduira à un effondrement. Ou encore, dans la mesure où il est toujours sous contrôle, le réchauffement climatique a peu de chance d’entraîner un effondrement de la société. Enfin, à l’encontre de l’idée que seule la décroissance permettrait d’éviter l’effondrement, Buéno défend la thèse que le scénario d’une croissance mesurée est beaucoup plus réaliste.
Il est bien sûr possible de discuter des idées de l’auteur. Mais c’est justement cette possibilité de discussion qui fait tout l’intérêt du livre. Au lieu de tétaniser ses lecteurs avec un scénario d’effondrement plus ou moins inexorable, il offre matière à réflexion pour évaluer à la fois les risques qu’il se produise et les chances que nous avons d’y échapper.
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
362, août 2023.
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