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Compte rendu du livre :

La Théorie de la relativité d'Einstein.
Éléments pour une théorie de la connaissance,

d'Ernst Cassirer,

Traduit de l'allemand et présenté par Jean Seidengart,
Éditions du Cerf (Passages), 2000.

      Connaître les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes ne semble pas être possible : la connaissance que nous avons de la réalité peut en effet difficilement être indépendante des moyens dont nous disposons pour l'appréhender. Cette idée qui prend le contre-pied d'un réalisme naïf a trouvé avec le philosophe Kant son plus illustre défenseur. Cherchant à définir les limites de la connaissance que nous pouvons espérer acquérir de la réalité, Kant avait même établi que l'espace et le temps n'étaient que des « formes de notre sensibilité » : c'est-à-dire que loin d'être des entités existantes par elles-mêmes, l'espace et le temps n'étaient que des manifestations de notre perception. En quelque sorte, il n'y avait pour Kant ni espace, ni temps sans un sujet pour les concevoir. Dans son argumentation, il s'appuyait naturellement sur la notion d'espace euclidien, — l'espace usuel où, par exemple, deux droites parallèles ne se coupent jamais — et sur celle d'un temps indépendant de l'espace, puisque telles étaient les seules notions concevables à son époque.
      Le problème est que depuis l'avènement de la théorie de la relativité d'Einstein et particulièrement de la relativité générale (1915), les notions d'espace et de temps qu'utilisent les physiciens pour appréhender la réalité ne sont plus systématiquement celles utilisées par Kant. Cela remet-il en cause sa théorie de la connaissance ? Non, affirme Ernst Cassirer (1874-1945) dans cet ouvrage publié en 1921, c'est même l'inverse qui se produit. Éminent néo-kantien, Cassirer estime en effet, qu'au vu de l'histoire des sciences, les concepts de la physique semblent de moins en moins des concepts de choses mais apparaissent au contraire de plus en plus comme des constructions théoriques visant à constituer l'unité de la connaissance expérimentale. Or, cela va tout à fait dans le sens préconisé par la philosophie kantienne, estime Cassirer, et cela apparaît encore plus clairement avec la physique d'Einstein, où ce qui restait de « chosification » de l'espace et du temps a disparu.
      Si cette analyse est souvent pertinente, on regrettera toutefois que les pages consacrées par Cassirer à la défense de la philosophie de Kant ne soient pas aussi nombreuses et approfondies que celles consacrées à l'interprétation de la théorie de la relativité.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 109, octobre 2000.

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