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Compte rendu du livre :

De mâle en père
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À la recherche de l’instinct paternel
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de Frank Cézilly,

Buchet-Chastel, 2014.
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      Saviez-vous que, chez le mille-pattes, c’est le mâle qui garde les œufs pondus par la femelle ? Il enroule son corps autour de la ponte et la préserve ainsi d’infection fongique. Il existe également un type de ver, vivant dans les sédiments des lagunes, dont la femelle meurt juste après avoir pondu ses œufs. La tâche du mâle n’est alors pas de tout repos puisqu’il doit nager presque en permanence autour des œufs pour garantir leur oxygénation. De même, certains poisons mâles, après avoir fertilisé les œufs pondus par les femelles, les prélèvent et les incubent dans leur bouche. Une fois éclos, les jeunes demeurent dans la cavité buccale de leur père pendant plusieurs jours encore. Quant aux hippocampes, les mâles possèdent tout simplement une poche intérieure où les femelles déposent leurs œufs. Ils deviennent donc enceints. Chez les oiseaux, notamment chez certains kiwis, ce sont parfois les mâles qui assurent seuls l’incubation des œufs. Et ainsi de suite…
      Après cela, qui osera encore dire que les mères sont naturellement faites pour s’occuper des enfants ? En tout cas, c’est contre ce genre de poncif, très orientée politiquement, que s’élève le biologiste Franck Cézilly. À l’aide d’une multitude d’exemples, allant des invertébrés jusqu’aux êtres humains, il s’interroge dans ce livre sur la fonction et l’évolution du comportement paternel. Même si dans la nature les femelles sont, en moyenne, davantage impliquées que les mâles dans les soins parentaux, il apparaît clairement à l’issue de ce travail que le comportement paternel n’est pas une aberration en termes évolutif : c’est bien un phénomène adaptatif, au sens où, plutôt que de batifoler, les mâles ont parfois intérêt à s’occuper de leur progéniture pour en garantir la survie. Ce que semble d’ailleurs confirmer le fait que le rôle de chaque sexe dans les soins parentaux n’est pas figé et dépend souvent des circonstances, même chez les invertébrés.
      Bref, le message de l’auteur est clair. Ceux qui voudraient s’appuyer sur la nature pour assigner des rôles bien définis aux hommes et aux femmes en termes de soins parentaux doivent comprendre qu’ils se fourvoient : en ce domaine, le vivant se caractérise avant tout par sa diversité et flexibilité…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 261, juillet 2014.

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