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Compte rendu des livres suivants :

Quoi de neuf depuis Darwin ?
La théorie de l'évolution des espèces dans tous ses états,

de Jean Chaline,

Préface de Jean Gayon,
Éditions Ellipses, 2006.

De l'œuf à l'éternité.
Le sens de l'évolution,

de Vincent Fleury,

Flammarion, 2006.

La Structure de la théorie de l'évolution,

de Stephen Jay Gould,

Traduit de l'américain par Marcel Blanc,
Gallimard, 2006.

      Faut-il en finir avec le darwinisme ? Pour ceux qui croient que la vie sur Terre n'a pu apparaître sans une intervention divine, la réponse ne fait pas de doute. Mais pour tous les autres, pour tous ceux qui croient que le vivant dans sa diversité descend de façon naturelle des premières formes de vie apparues sur Terre il y a plusieurs milliards d'années, la question appelle deux autres questions. D'abord, existe-t-il une ou plusieurs théories alternatives au darwinisme qui expliqueraient mieux la diversité du vivant ? Ensuite, ces alternatives sont-elles de véritables ruptures avec le darwinisme ou simplement des variantes ? Le darwinisme a beau être devenu la théorie orthodoxe sur l'évolution des espèces dans les années 1950, ces questions ne cessent de se poser. Dernier exemple en date : la publication, fin 2006, en France, de trois livres qui prennent, à des degrés divers, leur distance vis-à-vis de l'orthodoxie darwinienne. Des trois auteurs, le plus connu est sans hésitation le paléontologue Stephen Jay Gould. Décédé en 2002, ce dernier a porté pendant plus de trente ans un regard critique sur le darwinisme, en particulier sur trois points. Premièrement, il avançait que l'évolution n'est pas graduelle mais connaît des sauts et de longues périodes de stabilité. Deuxièmement, il estimait que la sélection naturelle n'agit pas uniquement au niveau des gènes et des organismes mais également au niveau des populations et des espèces. Troisièmement, il considérait qu'il ne fallait pas interpréter chaque changement évolutif en termes d'adaptation mais éventuellement en termes de contrainte interne, de transformation fortuite ou d'exaptation [note : L'exaptation est le processus par lequel un organe est sélectionné pour une autre fonction que celle qui l'a vu naître]. Chacune de ces alternatives a donné lieu à de vives controverses. Dans La Structure de la théorie de l'évolution, Gould revient sur chacune d'entre elles et répond aux critiques, tout en offrant une perspective historique sur chaque débat. Cela donne un livre gigantesque qui peut être lu comme son testament scientifique. Est-ce encore du darwinisme ? Gould le pensait. Tous les darwiniens n'en sont pas convaincus.
      En tout cas, pour le paléontologue Jean Chaline, les idées de Gould constituent bien une contribution fondamentale à la théorie darwinienne. Il est vrai que Chaline n'adopte pas une interprétation rigide de cette dernière. En 1999, avec quelques collègues, il avait suscité une polémique pour avoir prétendument mis à jour une loi mathématique décrivant l'histoire de l'évolution. Dans Quoi de neuf depuis Darwin ?, qui retrace l'histoire des théories de l'évolution jusqu'à nos jours, Chaline reprend cette loi et affirme qu'elle permet de prolonger le darwinisme. L'idée mérite discussion. Mais pourquoi passer sous silence son aspect controversé ? Ce n'est certainement pas un reproche que l'on peut faire au physicien Vincent Fleury tant ce dernier est conscient de la dimension provocatrice de sa toute récente thèse. Dans De l'œuf à l'éternité, il essaye en effet de montrer de façon simple que c'est la mécanique même du développement embryonnaire qui conditionne les possibles évolutions d'un organisme. Les évolutionnistes se seraient ainsi égarés quant au mécanisme de l'évolution pour ne pas s'être assez tournés du côté de la physique. Ici, pas de doute que le darwinien aura du mal à s'y retrouver. Quant à savoir si cette approche explique mieux l'évolution du vivant que le darwinisme, il faut attendre qu'un véritable débat contradictoire se mette en place.
      Dans tous les cas, soulignons le caractère stimulant de ces trois opinions dissidentes et cela quel que soit le jugement que la postérité portera sur elles.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 182, mai 2007.

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