L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Against Marriage.
An Egalitarian Defense of the Marriage-Free State,
de Clare Chambers,
Oxford University Press, 2017.

Pendant longtemps, le mariage a été un moyen de domination des hommes sur les femmes. Il leur donnait le droit de contrôler leurs activités, leurs biens et leur corps. D’où les critiques récurrentes des féministes contre cette institution. Mais la situation a changé, du moins dans les pays occidentaux. Par exemple, depuis 1991 au Royaume-Uni et 1992 en France, le viol conjugal est reconnu par la justice. D’une manière générale, les femmes ont maintenant acquis les mêmes droits que les hommes. Cela dit, d’aucuns se demandent si le mariage ne perpétue pas quand même la domination masculine en assignant, ne serait-ce que symboliquement, des rôles distincts aux deux sexes. C’est d’ailleurs ce que semblent indiquer nombre d’enquêtes qui comparent la position des femmes au sein des couples mariés et non mariés. Pour la philosophe Clare Chambers, c’est une raison, parmi d’autres, d’en finir avec le mariage.

Jusqu’à peu, il y avait déjà le fait contestable que le mariage ne consacrait que l’union de personnes de sexes différents. Depuis la vague des « mariages pour tous », les personnes de même sexe peuvent aussi se marier entre eux. C’est un changement qui va incontestablement vers plus d’égalité. Mais si le mariage donne des droits aux personnes qui se marient, il prive de ces mêmes droits tous ceux et toutes celles qui ne sont pas mariés. Or ces droits peuvent conférer des avantages en termes de pensions, de réductions d’impôts, d’héritages, de gardes des enfants, etc. En quelque sorte, le mariage institutionnalise une discrimination arbitraire. La mise en place d’unions civiles, comme le pacs en France, censées conférer les avantages du mariage, ne change rien à la situation. Certaines personnes continuent à avoir moins de droits juste parce qu’elles n’ont pas opté pour ces contrats de vie commune.

Le mariage a aussi le défaut de faire de l’union de deux personnes la norme de toute vie commune. Pourquoi l’État continue-t-il ainsi à faire en sorte qu’il est bien de se marier, comme si c’était un accomplissement dans sa vie ? Pourquoi restreint-il aussi nos façons de concevoir nos relations ? Par exemple, pourquoi ne reconnaît-il que l’union de deux personnes ? Du coup, pour en finir avec cet arbitraire, ne serait-il pas préférable de laisser les citoyens vivre comme ils l’entendent, sans conférer des privilèges à ceux et celles qui s’inscrivent dans le schéma traditionnel ? Autant dire que, pour l’auteure, le mariage, en tant qu’institution, n’a plus sa place dans une démocratie moderne qui se fonde sur les idées de liberté et d’égalité.

Cette remise en cause du mariage ne signifie pas qu’il faille interdire à ceux qui le veulent de se marier. Pour l’auteure, le mariage peut continuer à être une cérémonie séculière ou religieuse, sauf qu’il n’a plus à être reconnu par l’État. Certes, ce dernier devra toujours assurer la protection des plus faibles, mais ce seront les modes de vie en commun qui conféreront des droits et imposeront des devoirs, en fonction de leurs spécificités : cohabitation avec une ou plusieurs personnes, possession ou non de biens en commun, existence ou non d’enfants sous sa responsabilité, etc. Toutes ces situations continueront donc à être régulées juridiquement, sans que le fait de s’être marié un jour vienne y changer quoi que ce soit. Pour l’auteure, cette fin de la reconnaissance officielle du mariage permettrait de construire une société plus égale, plus tolérante et plus ouverte. Reste à savoir si les mesures de protection des plus faibles seront aussi faciles à mettre en œuvre…

Thomas Lepeltier (décembre 2018).


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Autres livres à signaler :

— Elizabeth Brake (ed), After Marriage. Rethinking Marital Relationships, Oxford University Press, 2016.

— Glenn Campbell, The Case Against Marriage. What You’re Really Getting What You’ve Got To Lose, Geoaktif Publications, 2013.