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Compte rendu du livre :

La Vérité dans les sciences,

de Jean-Pierre Changeux (ed),

Éditions Odile Jacob, 2003.

      A-t-on besoin de la notion de vérité en science et, si oui, quel rôle doit-elle jouer ? Telle est la question posée par Jean-Pierre Changeux à quelques éminents chercheurs de différentes disciplines, dont la plupart sont comme lui professeurs au Collège de France. Une telle interrogation fait bien sûr écho aux propos de certains philosophes selon qui cette notion serait inutile. La science a prouvé son efficacité, avancent-ils, non sa véracité. Qu'elle soit à même de rendre compte des phénomènes et de faire des prévisions ne garantirait en rien sa capacité à décrire la réalité telle qu'elle est. De plus, les progrès et surtout les révisions étant toujours possibles, il serait aventureux de considérer les théories actuelles comme vraies. Aussi la meilleure théorie serait-elle juste celle qui n'a pas encore été réfutée. Mais d'un autre côté, on est bien obligé de reconnaître que les succès des théories scientifiques incitent fortement à considérer que ces dernières offrent une description relativement adéquate des objets qu'elles étudient. Plus précisément, on peut penser que le perfectionnement des théories fait que ces dernières convergent vers la vérité. Et il n'y pas de doute que c'est la recherche de la vérité qui aiguillonne le travail des chercheurs et qui les pousse à mettre en place nombre de procédures de contrôle de ce qu'ils avancent. Alors, au vu de ces deux positions, que faire de la vérité ?
      Les chercheurs ici réunis optent globalement pour une défense de la notion de vérité. Le propos ne consiste pas à affirmer sans nuance que les théories scientifiques sont vraies. Mais, pas question d'y voir une illusion. Comme le souligne par exemple le philosophe Jacques Bouveresse, les théories scientifiques ne se contenteraient pas de parler abstraitement de la structure du monde, sans arriver à saisir son contenu, mais d'une certaine manière feraient bien référence à des objets existant réellement. Cette thèse trouve une illustration parfaite dans le texte très clair du physicien Serge Haroche qui montre comment depuis peu il est possible de « voir » et même de « toucher » les atomes. De quoi mettre fin effectivement aux sempiternels débats sur la réalité de ces derniers. Quant aux autres textes, ils ne sont peut-être pas aussi pertinents que ces deux-ci, mais tous ont le mérite de montrer comment des chercheurs d'horizons divers se débattent avec cette épineuse notion de vérité.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 142, octobre 2003.

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