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Compte rendu du livre :

Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique,

de Pascal Charbonnat,

Préface de Francine Markovitz-Pessel,
Vuibert, 2011.
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      C'est l'histoire d'un divorce. Celui de la science et de la théologie. Il a mis des lustres à se conclure, mais le XVIIIe siècle constitue le moment névralgique de cette séparation. Comme nous le raconte Pascal Charbonnat dans ce livre, c'est en effet au cours de cette époque que les savants, du moins bon nombre d'entre eux, ont réussi à s'extirper de l'emprise de la théologie. Cela n'a pas été facile. Il a bien sûr fallu composer avec une Église prompte à condamner les œuvres qui s'affranchissaient d'une interprétation littérale de la Bible. Mais, sur un plan conceptuel, la séparation n'a pas été aisée non plus. De fait, comment aborder la question de l'origine sans référence à une cause première, identifiée au Dieu de la Genèse ?
      Nonobstant ces difficultés, le désir d'expliquer la formation du globe terrestre et des êtres vivants sans recourir à une cause transcendante devient de plus en plus pressant au XVIIIe siècle. Pour fonder cette science autonome, les savants de l'époque peuvent prendre modèle sur la physique newtonienne, qui est parvenue à se passer de Dieu pour expliquer le mouvement des corps. Serait-il possible de faire de même pour leur formation ? La doctrine de la préexistence des germes, qui explique le développement embryonnaire par le déploiement de structures préexistantes dans l'œuf, va dans ce sens. Elle présente l'avantage de limiter l'action divine à la production des premiers germes. Mais n'est-ce pas déjà trop concéder pour une science qui se veut vraiment autonome ?
      Il va donc y avoir un affrontement entre, d'un côté, ceux qui cherchent à concilier références théologiques et explications mécaniques, et, d'un autre côté, ceux qui ne tolèrent pas ce type d'intrusion métaphysique dans leurs explications. Ce second camp doit encore être divisé entre ceux qui adoptent un matérialisme métaphysique et ceux qui se contentent de prôner un matérialisme méthodologique. Alors que les premiers cherchent à anéantir l'idée d'origine divine, les seconds la tolèrent tant qu'elle n'intervient pas dans les explications.
      À travers une analyse serrée de toutes ces prises de position, Charbonnat souligne les mérites de cette dernière stratégie propice au développement des premières théories de la formation des corps. Il en tire même une leçon : en science, il n'y aurait point de salut en dehors de cette « abstinence métaphysique ». De quoi éclairer les débats récurrents concernant les relations entre science et religion.

Thomas Lepeltier, Pour la science, 408, octobre 2011.

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