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Compte rendu du livre :

Le Mythe Galilée,

de Fabien Chareix,

PUF (Science, histoire et société), 2002.

      De Galilée, la science moderne a fait un mythe. Armé de son seul génie, le savant italien aurait fondé la physique moderne et révélé aux hommes leur propre place dans l'univers en démontrant que c'est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l'inverse. Mais en butte à l'obscurantisme de l'Église, Galilée aurait été terrassé par le « dragon de l'Inquisition » et serait ainsi devenu le premier martyr de la science moderne... Les analyses tant historiques qu'épistémologiques des travaux de Galilée ne peuvent toutefois perpétuer une vision si édifiante. Les tenants et les aboutissants des réflexions du savant italien, qui sont dans la légende autant d'actes héroïques d'une lutte épique du savoir contre la foi, ne sont pas pour autant tous clairement établis.
      Certes, presque tout le monde s'entend pour reconnaître que Galilée ne pouvait prouver la vérité du système héliocentrique et qu'il aurait dû, en toute logique, admettre que ce n'était là qu'une façon parmi d'autres de représenter le mouvement des planètes, comme le lui demandait l'Église. Mais en dehors de cet accord, beaucoup de questions restent sans réponse. Peut-on considérer Galilée comme le véritable fondateur de la cinématique, alors que ses idées étaient en continuité avec toute une tradition médiévale de commentaires critiques de La Physique d'Aristote ? Faut-il voir en lui le véritable inspirateur de la méthode expérimentale, ou un savant conforme à l'idéal aristotélicien d'une science parfaitement démonstrative ? Faut-il croire qu'en accusant Galilée de défendre le système héliocentrique, le Pape lui aurait évité une accusation plus grave instruite par certains Jésuites : celle d'adhérer à un atomisme qui mettait à mal le mystère de l'Eucharistie ? Etc.
      Sans trancher de façon catégorique dans ces débats, Fabien Chareix, qui retrace ici avec minutie la carrière de Galilée, considère qu'il n'y a pas lieu d'opposer une partie de son œuvre qui marque une rupture importante avec les travaux de ces prédécesseurs à celle qui reste tributaire de la physique médiévale et imprégnée d'idéalisme platonicien. Il montre en effet que les deux peuvent coexister et former un tout relativement cohérent, notamment de part l'opposition constante de Galilée à la physique d'Aristote. Du coup, s'en trouve disqualifié le mythe d'une science qui naîtrait des mains d'un génie faisant d'un seul coup table rase d'un passé plongé dans l'erreur.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 132, novembre 2002.

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