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Compte rendu du livre :

Contre la mentaphobie,

de David Chauvet,

L'Âge d'homme, 2014.
Mentaphobie

      « Il n’est point permis de supposer l’esprit dans les bêtes […]. Tout l’ordre serait aussitôt menacé si on laissait croire que le petit veau aime sa mère, ou qu’il craint la mort, ou seulement qu’il voit l’homme. L’œil animal n’est pas un œil, l’œil esclave non plus n’est pas un œil et le tyran n’aime pas le voir ». Ainsi s’exprimait le philosophe Alain dans les années 1930 afin de souligner la cruauté de notre rapport aux animaux. Pour les tuer sans éprouver de culpabilité, il faut en effet se persuader que les veaux n’éprouvent pas d’amour pour leur mère et que la vie n’a pas d’importance à leurs yeux… C’est pour cela que la plupart des gens nient que les animaux ont une conscience, par peur de remettre en cause l’ordre de la société ; cette société qui massacre chaque année des milliards de bêtes, sans aucune nécessité, pour en faire de la viande, du cuir, de la fourrure, etc.
      Cette peur d’attribuer un esprit aux animaux a désormais un nom : c’est la mentaphobie. Comme le montre David Chauvet dans cet excellent petit livre, il est bien question d’une phobie et non d’une simple ignorance. Nombreux sont en effet les philosophes ayant refusé d’attribuer une conscience aux animaux parce qu’ils voulaient maintenir un ordre établi, fondé sur leur exploitation et la domination humaine. La situation est toutefois en train de changer. Comme le montre là encore l’auteur, cette mentaphobie a commencé à être remise en cause depuis une trentaine d’années en raison des impasses où elle conduisait les chercheurs, en particulier en éthologie. De nos jours, on ne compte plus les études qui révèlent la richesse des capacités mentales des animaux.
      Le problème est que ce nouveau discours scientifique, pourtant largement diffusé auprès du public, n’a pas vraiment fait évoluer le regard que la société porte sur les animaux, en particulier ceux destinés à l’alimentation. Tout le monde sait bien que tuer un être qui veut profiter de la vie, quand cela ne répond à aucune nécessité, c’est commettre une sorte de meurtre. Mais les tyrans s’arrangent toujours pour ne pas regarder leurs victimes dans les yeux…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 262, août-septembre 2014.

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