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Compte rendu du livre :

Animal Rights without Liberation.
Applied Ethics and Human Obligations,

de Alasdair Cochrane

Columbia University Press, 2012.
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       Concernant la question des droits des animaux, il est possible de distinguer deux grandes positions. D’un côté, il y a ceux qui considèrent qu’attribuer des droits aux animaux n’a pas de sens, puisque ces êtres ne sont pas capables d’en réclamer pour eux-mêmes ni de respecter ceux des autres porteurs de droits. D’un autre côté, il y a ceux qui considèrent que, à l’instar de ce que l’on fait pour les enfants, qui eux non plus ne peuvent en réclamer pour eux-mêmes, cette attribution de droits est tout à fait sensée.
      Ces deux positions ont des conséquences distinctes sur le plan du bien-être animal. Ceux qui s’opposent à l’attribution de droits aux animaux ne sont pas forcément indifférents aux mauvais traitements que ces derniers subissent. Mais, selon eux, un animal doit rester juridiquement un bien que l’on peut utiliser, exploiter et tuer. Pour ne pas trop nuire à son bien-être, il suffit juste de réglementer la façon dont il est traité.
      En revanche, les partisans des droits des animaux estiment, premièrement, que reconnaître des droits aux animaux est la seule façon de mettre un terme à la cruauté dont ils sont victimes au sein de notre société et, deuxièmement, que cette promotion juridique doit aboutir à leur libération. Leur reconnaître des droits revient en effet à admettre qu’ils possèdent en particulier celui de ne pas être utilisés, exploités et tués. Pour reprendre une analogie qu’utilisent ces partisans des droits des animaux, il est autant condamnable d’un point de vue moral de se contenter d’améliorer les conditions des animaux de rente sans les libérer que d’améliorer les conditions des esclaves sans abolir l’esclavagisme. Bref, l’attribution des droits doit entraîner la libération de toute forme d’exploitation.
      Or, pour le politologue Alasdair Cochrane, il y aurait une position intermédiaire. Contre ceux qui veulent exclure les animaux de la sphère juridique, il estime que des droits doivent leur être attribués pour la simple raison qu’ils possèdent des intérêts, notamment celui de ne pas être maltraités et de ne pas être tués sans nécessité. Mais, à l’encontre de leurs adversaires, Cochrane estime que l’attribution de droits aux bêtes ne doit pas nécessairement aboutir à leur libération. Son argument est que, à la différence des humains, les animaux — à l’exception peut-être des grands singes — ne seraient pas des êtres autonomes, capables de concevoir par eux-mêmes ce que serait leur bien-être. Ils auraient ainsi la possibilité d’avoir une vie pleine, sans être libres.
      Les implications de cette approche ne sont pas minces. Étant donné que les animaux ont le droit de ne pas être abusés et de ne pas être tués sans nécessité, il faudrait mettre un terme à la quasi-totalité de leur utilisation dans l’industrie alimentaire, dans l’expérimentation scientifique, dans les divertissements, etc. Sur un plan pratique, Cochrane est donc plus proche des partisans de la libération des animaux que de leurs opposants. Mais il garde de ces derniers l’idée que l’être humain peut régner en maître sur le monde animal. Ce serait juste un maître bienveillant.
      Il n’est pas sûr que la notion d’autonomie qui lui sert à définir cette suprématie humaine soit très pertinente. Il n’en reste pas moins que, pour la clarté de ses analyses et la rigueur de ses réfutations de toutes les justifications des souffrances que l’on inflige aux animaux, son ouvrage est une très utile contribution aux débats de plus en plus fréquents sur la situation des animaux.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 250, juillet 2013.

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Autres livres à signaler :

— Sue Donaldson et Will Kymlicka, Zoopolis. A Political Theory of Animal Rights, Oxford University Press, 2011.

— Cary Wolfe, Before the Law. Humans and Other Animals in a Biopolitical Frame, University of Chicago Press, Chicago, 2012.