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Compte rendu du livre :

La Monarchie entre renaissance et révolution, 1515-1792,

de Joël Cornette (ed),

Seuil (L'univers historique), 2000.

      L'histoire de la monarchie sous l'Ancien Régime a souvent été présentée à travers la montée en puissance du pouvoir royal. On racontait ainsi comment les rois de France, de François Ier à Louis XIV, avaient lutté pour renforcer l'administration et l'unité française aux dépens des pouvoirs seigneuriaux. Cette étatisation musclée avait certes été contrariée par les guerres civiles (guerres de religion, Fronde), mais la monarchie avait su se renforcer à l'issue de ces crises, et le règne de Louis XIV était représenté comme l'apogée de l'Ancien Régime. Les trois-quarts de siècle qui suivirent la mort du Roi Soleil n'étaient alors qu'une période de déclin, ponctuée par une série de tentatives infructueuses de réformes, qui prenait fin avec la Révolution française lorsque qu'une bourgeoisie montante renversa cet Ancien Régime.
      Or cette image a été singulièrement bousculée ces dernières décennies, comme en témoigne très bien cette nouvelle synthèse sur l'histoire politique de la France moderne où l'on apprend, entre autres, à ne plus identifier le discours que la monarchie tient sur elle-même avec le fonctionnement effectif de l'État. Il apparaît alors que cette monarchie, loin de lutter constamment contre ce qui pouvait contester sa volonté centralisatrice (aristocrates, pouvoirs urbains...), dut recourir à leurs services pour gouverner, quitte à leur accorder plus d'indépendance. L'histoire de l'Ancien Régime n'est donc plus le récit épique de la formation d'une monarchie absolue avec laquelle aucune instance ne pouvait rivaliser, mais devient le récit contrasté de toutes les contraintes qui pesaient sur une monarchie obligée de respecter tout un ensemble de traditions, de corps intermédiaires, d'institutions locales, etc. Comme le dit Joël Cornette, maître d'œuvre de cet ouvrage, et auteur de la partie consacrée au Grand Siècle : « Contrairement à l'idée courante d'un absolutisme destructeur des libertés locales, c'est la pratique d'une collégialité dans la direction des affaires provinciales qui doit être mise en avant... » Du coup, la Révolution n'apparaît plus comme la conséquence inéluctable du dépérissement d'un système sclérosé et confronté au développement économique d'une classe sociale, mais retrouve toute sa dimension politique et événementielle, avec la part d'imprévu que cela implique...

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 119, août-septembre 2001.

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