Compte rendu du livre :
L'Absolutisme en France.
Histoire et historiographie,de Fanny Cosandey et Robert Descimon,
Seuil (Points Histoire/L'histoire en débats), 2002.Et si l'absolutisme en France n'avait jamais existé ! Et si ce concept d'« absolutisme » n'était qu'un leurre fabriqué par la monarchie d'Ancien régime pour donner l'illusion d'une toute-puissance qu'elle était incapable d'exercer ? Et si ce leurre n'avait été repris après la Révolution française que pour mieux coller l'étiquette « despotisme » sur cette monarchie qui avait alors sombré ? On ne peut bien sûr pas nier que les rois de France ont régulièrement essayé de renforcer l'administration et l'unité française aux dépens des pouvoirs seigneuriaux, et que cette montée en puissance du pouvoir royal a connu son apogée sous Louis XIV. Mais, dans le même temps, force est de constater que la monarchie, loin de lutter constamment contre les puissances seigneuriales ou urbaines qui pouvaient contester sa volonté centralisatrice, dut recourir à leurs services pour gouverner, quitte à leur accorder plus d'indépendance. Plutôt que de parler d'un absolutisme monarchique, c'est ainsi la pratique d'une collégialité dans la direction des affaires provinciales qui pourrait peut-être être mise en avant. À moins qu'il ne faille maintenir que la monarchie était intrinsèquement absolue même si elle n'a pas pu se réaliser intégralement.
Ces débats montrent qu'une interrogation sur la pertinence du concept d'« absolutisme » passe par une analyse de l'écart qui a pu exister entre le discours que la monarchie tenait sur elle-même et le fonctionnement effectif de l'État. Plus encore, ces débats montrent aussi que cette réflexion passe par une étude des diverses présentations de l'absolutisme qui ont été faites depuis la fin du XVIIIe siècle tant celles-ci orientent encore, souvent malgré nous, nos différentes approches du problème. D'où l'intérêt d'une analyse à la fois historique et historiographique de ce concept d'« absolutisme » telle que nous la proposent les deux auteurs de ce livre. Aucune réponse n'est donnée à la question de savoir s'il faut ou non renoncer à ce concept, mais une multitude d'analyses souligne la portée du problème, et de nombreuses pistes de réflexions sont proposées. C'est donc moins un livre à thèse qui nous est ici offert qu'une synthèse critique des diverses approches de l'évolution institutionnelle et politique en France entre le XVIe et le XVIIIe siècle.Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 134, janvier 2003.
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