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Compte rendu du livre :

Culture et politique dans la France des Lumières, 1715-1792,

de Monique Cottret,

Armand Colin (Collection U — Histoire), 2002.

      Le XVIIIe siècle a souvent été présenté comme le siècle des philosophes (Montesquieu, Voltaire, Rousseau, etc.). En sapant les bases idéologiques de l'Ancien régime, en ridiculisant la religion, et en désacralisant l'image de la royauté, ces libres penseurs auraient ouvert le chemin de la contestation qui allait conduire à la Révolution française. Cette dernière serait ainsi fille des Lumières. Si elle n'est pas forcément erronée, cette vision est en tout cas trop simple. Récemment, un historien américain rappelait le rôle fondamental joué par les jansénistes dans le déclenchement de la Révolution française (Dale K. Van Kley, The Religious Origins of the French Revolution, Yale University Press, 1996). Ce seraient principalement ces adeptes d'un catholicisme austère et rigoriste, grands adversaires des philosophes, et en bute au pouvoir royal, qui auraient ainsi provoqué l'ébranlement de la monarchie et favorisé la naissance de l'idée constitutionnelle. Plus récemment, Catherine Maire dans un livre tout aussi important reprenait cette thèse et décrivait un XVIIIe siècle presque tout janséniste ( De la cause de Dieu à la cause de la nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle, Gallimard, 1998).
      De même, dans un précédent travail, Monique Cottret s'était inscrite dans le sillage de ces travaux novateurs (Jansénismes et Lumières. Pour un autre XVIIIe siècle, Albin Michel, 1998). Mais elle nuançait le propos. Le XVIIIe siècle serait ni le siècle des Lumières ni le siècle du jansénisme, mais celui, en quelque sorte, de leurs oppositions et, parfois, de leurs rencontres. Cette approche toute en nuances se retrouve dans ce dernier livre qui traite des liens qu'ont pu entretenir au XVIIIe siècle la culture et la politique. Par petites touches, M. Cottret dépeint avec finesse l'évolution des arts, des lettres, de la presse, de la sociabilité et des conflits politiques. Mais, pour brasser tant d'aspects en un nombre relativement restreint de pages, il lui faut bien sûr aller vite. Aussi les connexions entre toutes ces dimensions du XVIIIe siècle ne sont-elles pas toujours auscultées d'aussi près qu'elles le mériteraient. On a tendance à avancer dans le siècle par juxtapositions de tableaux, sans que l'influence de la culture sur la politique, ou réciproquement, ne soit suffisamment problématisée. Mais cela n'enlève rien au côté instructif de ce livre.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 130, août-septembre 2002.

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