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Compte rendu du livre :

La Révolution américaine.
La quête du bonheur,

de Bernard Cottret,

Perrin (Pour l'histoire), 2003.

      Les États-Unis seraient-ils la nouvelle nation élue par Dieu ? C'est en tout cas, littéralement, ce que croient beaucoup d'habitants de ce pays. Cette idée d'être le peuple élu se fonde bien sûr sur l'Ancien Testament, où Dieu fit d'Israël la nation élue entre toutes. Mais, ajoute-t-on, quand les Juifs ne reconnurent pas le Messie, Dieu leur aurait retiré cet honneur, avec ses responsabilités, au profit de la communauté chrétienne. Toujours selon cette théorie, l'Église catholique perdit à son tour ce statut à l'époque de la Réforme au profit cette fois-ci de l'Angleterre (Henri VIII devenant un nouveau Moïse). Or, ce serait désormais les États-Unis qui formeraient la nation élue. Les habitants des colonies anglaises d'Amérique justifièrent d'ailleurs leur rupture avec l'Angleterre en utilisant plus ou moins les termes que cette dernière avait utilisés pour justifier sa propre rupture avec Rome (George Washington devenant ainsi à son tour le nouveau Moïse). Et ce sentiment d'être le « peuple élu » aurait nullement disparu depuis lors, comme nous le rappelait récemment Clifford Longley dans un livre très stimulant : Chosen People. The Big Idea that Shapes England and America (Hodder & Stoughton, 2002).
      Vu l'importance de la dimension religieuse de la politique américaine — rappelée aussi par le récent livre de Mark Noll pour la période qui va de la Révolution à la guerre de Sécession, America's God (Oxford University Press, 2002) —, le principal reproche que l'on pourrait adresser à Bernard Cottret est justement d'avoir quelque peu négligé ces spéculations théologiques. Cela n'empêche pas son histoire de la Révolution américaine d'être par ailleurs précise, détaillée et d'une grande richesse. De la victoire anglaise de 1763 contre les Français — qui marque le début des tensions entre l'Angleterre et ses colonies d'Amérique —, à l'adoption de la Constitution en 1787, en passant par la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776, on suit de près les différentes étapes de ce moment fondateur qui fut à la fois une révolution, une guerre civile, et une guerre d'indépendance. Notamment, on peut apprécier l'accent qui est mis sur les débats constitutionnels qui ont accompagné cette série d'événements. Et nul doute que cette histoire d'un passé en quelque sorte mythique pour les États-Unis aide à comprendre, sur plus d'un point, leur attitude actuelle…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 145, janvier 2004.

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