L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Beyond Trans.
Does Gender Matter ?,
de Heath Fogg Davis,
New York University Press, 2017.

À notre naissance, nous sommes déclarés homme ou femme. Ensuite, cette catégorisation nous accompagne en permanence. Elle figure sur presque tous les formulaires administratifs. Elle définit beaucoup des activités qui nous sont proposés enfants. Elle détermine les façons de nous comporter dans nombre de situations. Et ainsi de suite. Pour qui lutte contre la discrimination à l’encontre des femmes, cette bipartition a le défaut de maintenir ces dernières dans des rôles subalternes. Mais elle est encore plus problématique quand il est question des transsexuels, dont l’identité de genre ne correspond pas à celle qui leur a été assignée à la naissance. Pour ces personnes, cette catégorisation est source de discrimination, d’humiliation et d’ostracisme.

On pourrait bien sûr songer à créer une troisième catégorie. Mais pour Heath Fogg Davis, Professeur de sciences politiques à l’Université Temple à Philadelphie et lui-même transsexuel, ce n’est pas la bonne solution. Tant que l’on enfermera des personnes dans des catégories rigides, certaines d’entre elles auront toujours à souffrir d’une sorte de police de l’identité sexuelle. À la place, la suppression de toute référence au sexe lui paraît être une mesure plus juste. En particulier, Davis montre concrètement comment cette mesure pourrait être appliquée avec profit dans quatre domaines : les documents administratifs, les toilettes publiques, les écoles et le sport.

Concernant l’administration, il est évident que la mention du sexe n’a pratiquement aucune utilité. Par exemple, pourquoi mentionner le sexe d’une personne sur son permis de conduire ? À la rigueur, on pourrait avancer que cette indication aide à lutter contre l’usurpation d’identité. Mais cet intérêt est très limité par rapport aux autres moyens de vérification et ne compense pas les délicats malentendus lors des contrôles des personnes dont l’identité ou l’apparence sexuelle ne correspond pas à ce qui figure sur leur permis. Concernant les toilettes publiques, on dira qu’en réserver certaines aux femmes leur épargne des comportements masculins déplacés. Mais Davis montre que cet intérêt est loin d’être avéré et, là encore, ne compense pas toutes les complications qui surgissent dès qu’une personne dont l’apparence ne correspond pas au stéréotype de son sexe utilise les toilettes censées lui être réservées. Quant aux écoles non mixtes, elles semblent permettre aux filles d’obtenir de meilleurs résultats. Pourtant, Davis montre à quel point il est injuste d’en interdire l’entrée aux enfants déclarés garçons à la naissance mais qui ne se reconnaissent pas dans cette assignation. Reste le sport. Davis ne nie pas qu’il est difficile de supprimer la référence au sexe dans le sport de haut niveau. Étant donné qu’un taux de testostérone trop élevé est le critère utilisé pour interdire les compétitions féminines à certaines femmes, il suggère toutefois que, par équité, on pourrait autoriser les hommes ayant un faible taux de testostérone à participer à ces compétitions. En tout cas, pour le sport récréatif, Davis montre comment il serait facile de le rendre beaucoup plus inclusif en laissant tomber toute référence à l’identité sexuelle.

Bien sûr, ces quatre types d’abandon de la référence au sexe ne supprimeraient pas toute forme de discrimination. Mais ils rendraient probablement la société plus juste, plus ouverte et plus tolérante, surtout pour les personnes jugées sexuellement atypiques…

Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines, 300, février 2018.


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Autres livres à signaler :

— Rogers Brubaker, Trans. Gender and Race in an Age of Unsettled Identities, Princeton University Press, 2016..
— Eric Anderson et Ann Travers (eds), Transgender Athletes in Competitive Sport, Routledge, 2017.