Le néologisme « Françafrique » sert à désigner la politique néocoloniale de la France en Afrique subsaharienne. L’objectif de cette politique, mise en place à partir de l’indépendance des pays de la région, a toujours contenu trois volets : garantir un accès à des matières premières stratégiques (pétrole, uranium, etc.), offrir des débouchés aux multinationales françaises et maintenir un statut de grande puissance à la France. Personne ne sera surpris d’apprendre que, pour établir et maintenir cette sphère d’influence, les dirigeants français ont dû manigancer et corrompre de nombreuses élites africaines. Mais il est plus choquant de découvrir que, pour arriver à leurs fins, les autorités françaises ont mené une guerre d’une rare férocité contre leurs opposants.
Comme le raconte ce livre, le « laboratoire » de la Françafrique se situe au Cameroun, pays sous tutelle française depuis la Première guerre mondiale. Dans les années 1950, un vaste mouvement social et politique réclame l’indépendance. Mais les autorités françaises répriment très violemment cette contestation, par un usage généralisé de la torture, par des bombardements indiscriminés, par la destruction de villages entiers, etc. Elle y mène une véritable guerre, qui fait des dizaines voire des centaines de milliers de morts. Sous la pression internationale, elle est toutefois obligée de renoncer à sa tutelle. Le 1er janvier 1960, le Cameroun devient ainsi indépendant. Cela dit, la France manœuvre pour y installer une dictature profrançaise qui, toujours avec l’appui de ses forces militaires, continue à mener une guerre sans pitié contre une partie de sa population.
Le « coup de génie » de la France et de ses alliés camerounais est d’avoir réussi à garder cette guerre relativement secrète. En dehors du pays, peu de gens étaient au courant de leurs terribles exactions. Depuis quelques années, grâce à ce genre de livre, le voile est toutefois en train de se lever sur cette abominable politique française dont les ramifications se font encore sentir de nos jours. Il était temps…
Thomas Lepeltier,
Sciences Humaines,
289, février 2017.
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