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Compte rendu du livre :

Darwin est-il dangereux ?
L'évolution et les sens de la vie,

de Daniel Dennett,

Traduit de l‘anglais par Pascal Engel,
Éditions Odile Jacob (Philosophie), 2000.

      La théorie de l'évolution de Darwin, qui date de 1859, a toujours eu des adversaires. Si elle est de nos jours globalement acceptée par la majorité des biologistes et des philosophes, elle n'en continue pas moins d'être encore régulièrement critiquée. Daniel Dennett considère que toute cette résistance vient du fait que Darwin dérange tous ceux qui restent, sans toujours se l'avouer, accrochés à d'anciennes conceptions de la vie. Mais comme il est, quant à lui, convaincu de l'excellence de cette théorie, il propose dans ce livre de revenir sur un grand nombre de confusions qui entourent la théorie de l'évolution, avec l'intention de les dissiper.
      Deux idées importantes de Darwin étaient que les organismes vivants étaient sujets à des variations aléatoires et que les plus adaptés avaient une descendance plus nombreuse. Or, à travers ce processus de sélection aveugle qui aurait donné naissance à la diversité du vivant, les organismes ont souvent évolué comme s'ils avaient suivi une direction bien précise — pensez à la formation des yeux, par exemple. Pour bien faire comprendre le côté à la fois extraordinaire et anodin de ce processus, Dennett recourt à la notion fondamentale d'algorithme. Illustrons cette idée par un exemple. Est-il facile de trouver quelqu'un qui soit capable de gagner dix fois de suite au jeu de pile ou face (pile gagnant, face perdant) ? Non, aurait-on tendance à répondre. Pourtant, si vous prenez 1024 personnes (2 multiplié par 2, dix fois de suite) et que vous les faites jouer à pile ou face, par pair ; que vous éliminez les perdants ; que vous recommencez avec les joueurs restants ; et ainsi de suite ; à la fin de la partie, un joueur aura réalisé pile 10 fois de suite. Un pur jeu de hasard peut donc donner naissance à une suite cohérente d'actions.
      Par ce genre de raisonnement, Dennett essaye de montrer qu'il n'y aucune raison de s'écarter du darwinisme le plus strict pour expliquer l'évolution du vivant (comme le fait par exemple le célèbre Stephen Jay Gould). Il en profite ensuite pour essayer de nous convaincre qu'il n'y a pas de distinction entre une intelligence artificielle façonnée par l'homme et une intelligence réelle façonnée par l'évolution. Enfin, il essaye de justifier l'intérêt qu'il y aurait à expliquer les phénomènes culturels par les lois de l'évolution.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 116, mai 2001.

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