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Compte rendu du livre :

Un Crime contre l'espèce humaine ?
Enfants clonés, enfants damnés
,

de Philippe Descamps,

Les Empêcheurs de penser en rond, 2004.

      Ce livre aurait pu avoir pour sous-titre Délire à l'Assemblée, puisqu'il montre en effet à quel point la récente adoption par cette dernière d'une loi faisant du clonage « un crime contre l'espèce humaine » est délirante. En analysant les débats très consensuels qui ont accompagné ce vote, Philippe Descamps dresse effectivement un réquisitoire très sévère contre les capacités de réflexion de tous ceux — hommes politiques et chercheurs — qui y ont participé. En particulier, il montre que les manifestations d'indignation face à l'idée du clonage reproductif reflètent une incompréhension presque totale de ce qu'est le clonage sur un plan technique. La peur qu'un clone soit une copie conforme d'une autre personne relève en effet d'un paradigme du « tout génétique » qui, même s'il fut défendu un temps par certains généticiens imbus de leur science, est maintenant largement devenu obsolète. Or, c'est au nom de ce phantasme du double que fut justifiée cette loi.
      Mais il y a plus grave que cette ignorance du b.a.-ba de la biologie. En faisant du clonage reproductif un crime contre l'espèce humaine, les députés n'ont pas réfléchi qu'ils allaient ainsi stigmatiser les enfants nés d'un tel procédé. De fait, si le législateur fait du clonage un crime contre l'espèce humaine, c'est qu'il craint qu'en faisant naître des individus par clonage l'espèce humaine soit mise en danger. Ce qui sous-entend que les enfants clonés ne bénéficieraient pas de tous les attributs supposés de l'humanité ! Par sa législation, le législateur crée ainsi une classe de sous-hommes, et, pour les accabler davantage, il les condamne à vivre en sachant que, par leur naissance même, ils condamneront leurs parents à de lourdes peines d'emprisonnement.
      Pour Descamps, cette loi élaborée à coup de phantasmes n'est toutefois pas uniquement le fruit de l'ignorance. Elle trouverait également son origine dans une vision essentialiste et réactionnaire de ce qu'est l'espèce humaine et de ce que doit être la reproduction. S'il faut légiférer sur le clonage — ce que l'auteur veut bien admettre — ce livre salutaire montre en tout cas que la loi actuelle est non seulement absurde, mais dangereuse.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 153, octobre 2004.

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