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Compte rendu du livre :

L'Utérus, la technique et l'amour.
L'enfant et l'ectogenèse,

de Philippe Descamps,

Puf (Interventions philosophiques), 2008.

      Demain, probablement, des enfants ne naîtront pas du ventre de leur mère. La création d'utérus artificiels dans un futur plus ou moins proche permettra en effet de réaliser la gestation d'un enfant entièrement en dehors du ventre d'une femme (c'est ce qu'on appelle l'ectogenèse). Le développement de cette technique de procréation, qui semble inéluctable, fait peur. Récemment, des journalistes, des scientifiques, des juristes et des philosophes n'ont pas hésité à dépeindre dans des termes alarmistes les effets de ce procédé d'enfantement. N'allons-nous pas fabriquer des monstres, privés d'amour maternel ?
      Philippe Descamps, à qui on doit déjà un excellent livre sur les délires juridiques vis-à-vis du clonage (Un crime contre l'espèce humaine ? Enfants clonés, enfants damnés, 2004), s'en prend cette fois-ci à toutes les visions cauchemardesques que suscite l'idée d'utérus artificiel. Non, l'utérus artificiel ne créera pas des monstres : il est avant tout une technique médicale d'aide à la procréation assurant la continuité entre la fécondation in vitro et les incubateurs actuels pour maintenir en vie les grands prématurés. Non, les enfants nés d'un tel procédé ne seront pas forcément privés d'amour : ni les grands prématurés ni les enfants adoptés ne le sont. Non, l'ectogenèse ne remettra pas en cause la nature de la femme : il est en effet rétrograde de définir la spécificité féminine par la procréation.
      À travers cette critique salutaire de la bioéthique actuelle, P. Descamps ne se contente pas de mettre à jour les fantasmes qui nourrissent la peur de l'utérus artificiel. Il dénonce également une dérive du droit français qui, au fil des lois, s'est peu à peu institué en gardien de ce qui est considéré comme une norme transcendante, à savoir la nature. Or, selon l'auteur, vouloir soumettre le droit à la nature, c'est vouloir le soumettre à des représentations empreintes d'une idéologie réactionnaire.
      On l'aura compris, bien qu'encore hypothétique, l'utérus artificiel est déjà une formidable machine à révéler les façons de penser de nos contemporains.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 193, mai 2008.

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