A Crack in Creation.
The New Power to Control Evolution,
de Jennifer Doudna et Samuel Sternberg,
The Bodley Head, 2017.
Il y a dix ans, modifier le génome d’un organisme vivant était encore compliqué, long et hasardeux. Depuis la découverte d’un nouveau procédé, dénommé CRISPR-Cas9, c’est facile, rapide et fiable. D’un seul coup, de vastes horizons de manipulations génétiques s’ouvrent aux chercheurs, pour éliminer des maladies, mais aussi transformer des organismes vivants. L’impact sur la société, la faune et la flore s’annonce très important. Aussi y a-t-il urgence à comprendre de quoi il en retourne exactement. Ce livre est justement un témoignage exceptionnel qui relate de l’intérieur comment cette découverte a été réalisée. Il est en effet écrit par l’une des principales actrices de cette aventure scientifique, Jennifer Doudna, Professeure de biologie moléculaire à l’Université de Californie. Pour ce travail d’écriture, elle s’est associée à son ancien étudiant, Samuel Sternberg, mais le livre est écrit à la première personne. C’est donc à travers les yeux de Doubna que cette découverte est racontée.
En quelques mots, l’histoire commence au début des années 2000 quand des chercheurs remarquent que des bactéries peuvent intégrer des séquences d’ADN des virus qui les attaquent. Cette fonction permet à ces bactéries de repérer ces prédateurs en cas de nouvelles attaques et de les détruire grâce à une enzyme qui les découpe au niveau des séquences d’ADN en question. À travers ce système immunitaire, ces chercheurs venaient de découvrir un mécanisme de découpage de séquences d’ADN très performant. L’étape suivante, réalisée en 2012, consista à trouver un moyen d’utiliser ces enzymes pour découper précisément des bouts d’ADN dans n’importe quelle cellule et à les remplacer par des bouts d’ADN de son choix. Le procédé CRISPR-Cas9 était né. Très rapidement, il suscita un fort intérêt autant dans la communauté scientifique que chez les investisseurs financiers. Avec une telle prouesse biomédicale, il y a effectivement beaucoup d’argent à se faire.
En même temps, ce procédé de manipulation génétique soulève nombre de questions éthiques. En particulier, en ce qui concerne l’humain, faut-il uniquement manipuler des cellules somatiques ou peut-on se permettre d’intervenir sur des cellules germinales de sorte que les modifications du génome se transmettront de génération en génération ? Ayant été plutôt réticente sur cette dernière perspective au début de ses recherches, Doudna s’avoue finalement plus ouverte étant donné la fiabilité des manipulations que l’on peut maintenant effectuer. Bien sûr, le débat n’est pas fermé. Mais, au moins, avec ce livre, elle apporte nombre d’informations importantes pour y participer…
Thomas Lepeltier,
La Recherche, 529,
novembre 2017.
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