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Compte rendu du livre :

La Nouvelle sociologie des sciences,

de Michel Dubois,

PUF (Sociologies), 2001.

      L'activité scientifique, en tant qu'activité sociale, a depuis longtemps intéressé les sociologues. Ils ont en effet régulièrement trouvé instructif de s'intéresser à la manière dont les scientifiques travaillent dans leurs laboratoires, ainsi qu'aux liens qu'entretiennent leurs recherches avec leur société. Or, plus récemment, la nouvelle sociologie des sciences, très influente dans le monde anglophone, ne s'est pas contentée d'étudier la manière dont les orientations de la recherche dépendent de contraintes sociales (financements, idéologies, etc.) ; d'une manière plus provocatrice, elle a défendu la thèse que les « faits scientifiques » sont des constructions sociales.
      Dans sa version forte, la nouvelle sociologie des sciences soutient ainsi que le contenu des théories scientifiques est déterminé par des facteurs sociaux, et que le succès de ces théories ne peut être véritablement expliqué autrement que par ces facteurs. Or, selon Michel Dubois, qui fait dans ce livre une présentation historique et critique de la nouvelle sociologie des sciences, au-delà des effets d'annonce, il n'existe à ce jour aucune étude d'un cas précis qui ait montré que l'activité scientifique ne se développe pas de façon importante selon ses propres règles ; ce qui est pourtant nécessaire pour montrer que les facteurs sociaux ne sont pas seulement influents mais déterminants dans l'élaboration d'une théorie.
      Pour faire face à cet « échec » de la version forte de la nouvelle sociologie des sciences, une version dite « constructiviste », représentée en France par Bruno Latour entre autres, considère qu'il faut certes pendre en compte la « nature », avec sa capacité à « résister » aux théories, afin d'expliquer l'évolution des questions scientifiques ; mais c'est pour aussitôt ajouter que la nature doit être considérée comme un partenaire social comme les autres. C'est-à-dire que l'orientation de la recherche dépendrait, en fin de compte, toujours de la victoire d'un camp lors d'un conflit d'intérêts sans que la nature ait systématiquement le dernier mot. Ce qui comme précédemment reste à prouver.
      Si, malgré ces objections, la nouvelle sociologie des sciences persiste à défendre ses thèses, c'est tout simplement parce que, comme le montre Dubois , trop pressée d'en finir avec une certaine vénération de la science et trop attirée par un discours relativiste, elle s'abstient d'être aussi critique avec ses propres démarches qu'elle l'est avec les pratiques scientifiques. Ceci explique effectivement cela…

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 121, novembre 2001.

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