Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

L'Homme préhistorique.
Images et imaginaire,

d'Albert et Jacqueline Ducros (eds),

Préface d'Yves Coppens,
L'Harmattan (Histoire des Sciences Humaines), 2000.

      Les préhistoriens ont régulièrement tendance à faire passer leurs hypothèses pour des découvertes attestées. À partir de quelques dents, d'un fémur, d'une calotte crânienne, etc., ils construisent en effet une image de nos ancêtres qui doit souvent plus à leur imagination qu'aux restes fossilisés. Qui plus est, cette image peut en venir à se faire passer pour un reflet de la réalité et, au même titre que les données archéologiques, finir par orienter les recherches ; comme si l'opinion des préhistoriens était confortée par l'image qu'ils avaient eux-mêmes construite. On ne saurait donc trop se méfier de ces représentations de la préhistoire qui, loin de provenir uniquement d'enquêtes sur le terrain, seraient aussi élaborées à coups de stéréotypes et d'idées reçues. C'est pourquoi il faut se réjouir de voir un nombre croissant de travaux « déconstruire » la soi-disant objectivité de telles représentations.
      Ainsi, ce recueil d'articles nous présente quelques exemples des liens qui ont pu exister entre des études savantes, les images qui les illustraient, des travaux de vulgarisation qui étaient censés en rendre compte, et des récits fictionnels ou des représentations artistiques qui étaient, quant à eux, censés s'en inspirer ; le tout étant évalué à l'aune du contexte historique d'où étaient issues ces représentations. On retiendra de ces contributions — malheureusement de valeur inégale — que les images présentées au public ne sont pas forcément des sous-produits populaires du débat académique, mais qu'elles peuvent jouer un rôle essentiel dans l'élaboration des arguments savants ; que la description du processus d'hominisation n'est souvent que la reprise sous une forme laïcisée de grands mythes tel celui de la fin de l'Âge d'or ou du Jardin d'Éden ; que la vision que l'on peut avoir du mode de vie de nos ancêtres est conditionnée par le contexte politique (à cet égard l'article sur la naissance du mythe des cités lacustres est excellent) ; ou encore, que les débats sur le berceau de l'humanité ou la couleur de la peau de nos ancêtres sont parasités par l'idéologie des intervenants. Enfin, d'une manière générale, on appréciera la réflexion qui est ici esquissée sur le « pouvoir des images ». En bref, c'est un recueil qui mérite un détour.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 110, novembre 2000.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr