Compte rendu du livre :
Agriculture biologique : espoir ou chimère ?,
de Marc Dufumier, Gil Rivière-Wekstein et Thierry Doré,
Le Muscadier (Le choc des idées), 2013.Faut-il se tourner vers le bio ? À notre époque de scandales sanitaires, de pollution galopante et de déséquilibres écologiques, la question agite les esprits. Il y a ceux qui y voient la solution à tous ces problèmes, alors que d’autres dénoncent les faux espoirs d’une agriculture biologique incapable de répondre aux besoins d’une population en augmentation constante. Alors ? Le bio est-il la panacée ou un leurre ?
Pour tenter d’offrir une réponse argumentée à cette question, ce petit livre confronte deux positions antagonistes : celle d’un pro-bio (l’agronome Marc Dufumier) et celle d’un critique du bio (le journaliste agricole Gil Rivière-Wekstein). De façon originale, il offre aussi une mise en perspective de ces deux positions par un médiateur (le chercheur en agronomie Thierry Doré). Le résultat est doublement intéressant. D’abord, l’idée d’une confrontation, où les auteurs se répondent et où un médiateur intervient en tentant de prendre une certaine hauteur de vue, permet d’éviter une simple juxtaposition d’opinions. Nous sommes en présence d’un véritable débat constructif. La formule éditoriale est donc à encourager.
Ensuite, sur le fond, le livre a le mérite de présenter, de façon claire et concise, certains mérites et défauts du bio. Les premiers sont déjà bien connus étant donné que le bio se définit souvent en opposition aux méfaits d’une agriculture intensive qui recourt abondamment aux pesticides. Il serait ainsi meilleur pour la santé, permettrait de ne pas polluer l’environnement, favoriserait la biodiversité, etc. Mais l’intérêt principal de la présentation de Dufumier est de montrer comment ce type d’agriculture, si elle se généralisait, serait une aubaine pour les pays dits du Sud, car ils souffriraient moins de la concurrence déloyale de l’agriculture « dopée » des pays du Nord. Ils deviendraient ainsi mieux à même de répondre eux-mêmes à leurs besoins croissants.
Côté critique du bio, Rivière-Wekstein dénonce ses origines réactionnaires (à travers sa valorisation du terroir et son refus de la modernité), ses peurs irrationnelles envers tout produit provenant de l’industrie chimique ou des laboratoires de génétique, son utilisation de pesticides contrairement à ce qu’il prétend, etc.
Au final, le médiateur ne peut que constater que Rivière-Wekstein « critique moins […] l’agriculture biologique elle-même que son insertion sociale » et ses refus parfois excessifs des apports de la chimie ou de la génétique. Aux yeux mêmes de celui qui se présentait comme son adversaire, elle ne serait donc pas une chimère si on la débarrasse de ses scories. Voilà une bonne base de réflexions pour une approche raisonnée du bio…Thomas Lepeltier, Pour la science, 428, juin 2013.
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Autre livre à signaler :
— Marc Dufumier, Famine au sud, malbouffe au nord. Comment le bio peut nous sauver, Editions Nil, 2012.