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Compte rendu du livre :

Avant Einstein.
Relativité, lumière, gravitation,

de Jean Eisenstaedt,

Éditions du Seuil (Science ouverte), 2005.

      « Faire l'histoire d'un principe physique, c'est […] en faire l'analyse logique ». Cette affirmation de Pierre Duhem aurait pu être placée par Jean Eisenstaedt en exergue de ce livre novateur où il retrace la préhistoire des théories de la relativité restreinte et générale formulées par Einstein en 1905 et 1915. De fait, en analysant toute une série de travaux allant du XVIIe au XIXe siècles, très peu connus pour certains et anticipant toute la problématique einsteinienne, Eisenstaedt éclaire singulièrement ces deux théories.
      Il faut bien comprendre que le principe de relativité n'est pas né avec Einstein. C'est Galilée qui établit que le mouvement uniforme ainsi que le repos n'ont aucune existence propre ; seul a un sens le mouvement uniforme d'un corps relativement à un autre. Mais cette relativité du mouvement, qui implique que les lois de la nature doivent être les mêmes dans tous les systèmes inertiels — c'est-à-dire possédant une vitesse constante —, ne s'appliquait à l'époque qu'aux objets matériels. La question de savoir ce qu'il en est de la lumière restait ouverte et c'est cette question, lancinante pendant des siècles, qu'Einstein alla résoudre en fondant la relativité restreinte. De même, le problème de l'influence de la gravitation sur la lumière avait pendant longtemps préoccupé certains chercheurs. Une théorie des corps obscurs, ancêtres de nos trous noirs, fut d'ailleurs formulée. Mais, là encore, il allait revenir à Einstein d'y apporter une solution plus satisfaisante avec sa théorie de la relativité générale.
      En montrant comment les idées d'Einstein prolongent des théories et des expériences échafaudées à la fin du XVIIe et au cours du XVIIIe siècles, Eisenstaedt souligne à quel point la « relativité n'est pas sortie de la tête d'Einstein, telle Athéna de celle de Jupiter ». Il n'est pas pour autant question ici de minimiser les mérites du célèbre physicien : il reste le génial savant qui fit franchir à la science une étape décisive au début du XXe siècle. Mais cette plongée dans la préhistoire de la relativité einsteinienne souligne les limites d'une vision trop discontinuiste de l'histoire des sciences.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 162, juillet 2005.

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