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Compte rendu du livre :

Le Meilleur des mondes possibles.
Mathématiques et destinée,

d'Ivar Ekeland,

Seuil (Science Ouverte), 2000.

      Vivons-nous dans le meilleur des mondes possibles ? Leibniz, qui l'avait affirmé, fut l'objet des moqueries de Voltaire. C'est que ce dernier trouvait difficile d'admettre qu'un monde où il y avait tant de souffrance soit régi par la providence divine. Plus encore, la science de Galilée et de Newton, dont la valeur n'était plus à démontrer, se fondait sur l'exclusion de l'idée de finalité dans la nature. Le monde ne pouvait donc pas être dirigé en vue d'une fin, et a fortiori de la meilleure des fins possibles. Toutefois, au milieu du dix-huitième siècle, Maupertuis montra que l'on pouvait retrouver les équations de la dynamique newtonienne à partir d'un principe qui affirmait que la nature choisissait, parmi tous les mouvements possibles, celui qui minimisait une certaine quantité (dénommée l' action). Appliqué à la lumière cela voulait dire, pour faire simple, que cette dernière devait suivre le plus court trajet pour aller d'un point à un autre ; ce qui paraissait effectivement être le cas. Ce principe, appelé principe de moindre action, réintroduisait donc la finalité dans la nature et ouvrait ainsi la physique sur la métaphysique. Les grands fondateurs de la mécanique ne pouvaient l'ignorer mais déclarèrent ne voir tout au plus dans ce principe qu'« une manière commode et unifiée de présenter des résultats obtenus par ailleurs ».
      Il fallut néanmoins attendre le dix-neuvième siècle pour que ce principe ne soit plus compris comme un principe d'optimalité, et qu'il ne puisse plus par conséquent être « interprété comme un critère suivant lequel ce monde serait meilleur qu'un autre ». Il n'en a pas pour autant perdu tout intérêt. Comme nous le montre Ivar Ekeland en retraçant son histoire jusqu'aux mathématiques les plus récentes, ce principe s'est avéré au contraire très fécond depuis qu'il n'est plus lié à la métaphysique. Tirant profit de cette réflexion, l'auteur en vient à s'interroger à la fin du livre sur la situation de l'homme dans la nature, sur la connaissance qu'il peut en avoir et sur la perfectibilité de la société.
      Sans mener une réflexion vraiment originale, ce livre de vulgarisation scientifique a toutefois le mérite de parler clairement de questions difficiles et est donc bienvenu.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 106, juin 2000.

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