Publié dans   

 

Compte rendu du livre :

À quoi bon la vérité ?

de Pascal Engel et Richard Rorty,

Grasset (Nouveau collège de philosophie), 2005.

      Qu'est-ce que la vérité ? Répondre que c'est une correspondance entre nos représentations et la réalité pose problème puisque nous ne connaissons de la réalité que nos représentations. D'où les interminables discussions chez les philosophes pour savoir s'il y a correspondance entre telle ou telle représentation et ce qui est. Aussitôt que les réalistes répondent par l'affirmative, les anti-réalistes leur adressent des objections, et inversement. Vaines querelles, s'exclame Richard Rorty. Philosophe pragmatiste, il considère qu'il est temps d'abandonner l'idée selon laquelle la connaissance est une tentative plus ou moins réussie de représenter la réalité. Pour lui, elle serait plutôt un mode d'ajustement de l'homme à son environnement, exactement comme les animaux s'adaptent à leur milieu. Une représentation serait simplement dite « vraie » quand elle est bien justifiée et qu'il est possible de l'utiliser. En même temps, qualifier de vraie une telle représentation, potentiellement révisable, laisse entendre que l'on a accès à une sorte d'instance intemporelle et transcendante qui serait la Réalité, avec un grand « R ». Voilà pourquoi Rorty préfère se passer de cette notion de vérité qui refléterait un « besoin religieux de s'incliner devant un pouvoir non humain ».
      Pascal Engel, philosophe analytique, n'est pas de cet avis. S'il avoue se méfier de l'idée classique de la vérité comme correspondance, il considère néanmoins que le concept de vérité intervient comme norme de toute recherche et comme idéal de toute morale. Impossible donc de s'en passer. L'opposition n'est pas nouvelle et ces idées fondamentales ont déjà été développées par ces deux auteurs dans de multiples articles et ouvrages. Mais l'intérêt de ce nouveau petit livre, qui reprend un débat en Sorbonne entre ces deux philosophes, est de souligner de façon vivante leurs profondes divergences. Bel exemple de dispute philosophique.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 166, décembre 2005.

Pour acheter ce livre : Amazon.fr