L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
feinberg-mallat-consciousness
Compte rendu du livre :
 
The Ancient Origins of Consciousness.
How the Brain Created Experience,
de Todd E. Feinberg et Jon M. Mallatt,
MIT Press, 2016.

La conscience est toujours difficile à appréhender. Quand est-elle apparue chez les êtres vivants ? Comment a-t-elle évolué ? Quels sont les animaux à en être pourvus ? Sur ces questions, il y a de nombreux débats. S’il y a peu de doute que, à l’instar des êtres humains, les mammifères et les oiseaux sont doués de conscience, il est plus difficile de savoir s’il faut en attribuer une à des animaux dont la structure neurologique est moins complexe. Mais, pour Todd Feinberg, professeur de neurologie à l’Icahn School of Medicine de New York, et Jon Mallatt, professeur de phylogénétique moléculaire à l’Université de Washington, la conscience serait très répandue et très ancienne. Non seulement elle se retrouverait chez tous les vertébrés, mais elle serait également présente chez les arthropodes (dont les insectes) et les céphalopodes (comme les pieuvres).

Selon les deux chercheurs, pour qu’il y ait conscience, il faut deux caractéristiques. D’abord, une expérience subjective d’être au monde, qui peut se diviser en quatre éléments : des ressentis ou qualia, un soi unifié, le sens d’une extériorité et une capacité à agir suivant ses représentations mentales. Ensuite, l’autre caractéristique importante de la conscience est la capacité à avoir des sensations positives ou négatives (sentience). La difficulté majeure pour établir l’existence d’une conscience ainsi définie est qu’elle est un phénomène subjectif qui ne peut pas être décrit de manière objective (une sensation de rouge ne peut pas se décrire en termes de neurones). Mais les auteurs pensent que l’on peut porter un éclairage nouveau sur cet écart entre l’explication objective et le ressenti subjectif en étudiant l’apparition de la conscience dans l’histoire de l’évolution. Aussi étudient-ils en détails le moment où la complexité des structures neuronales chez nos lointains ancêtres aurait permis d’avoir des réponses aux stimuli extérieurs qui ne seraient plus de l’ordre du réflexe. Or, d’après les restes fossiles qu’ils analysent, ces premières manifestations de subjectivité pourraient avoir fait leur apparition à l’époque du Cambrien, il y a 520 millions d’années, quand le monde animal s’est beaucoup diversifié et que sont apparus des systèmes nerveux suffisamment complexes.

Pour osée qu’elle puisse paraître, cette thèse s’inscrit dans une dynamique actuelle de la recherche qui tend à attribuer une conscience à un nombre croissant d’animaux. Elle n’en soulève pas moins de nombreuses questions vis-à-vis des rapports que l’on entretient avec ces derniers. De fait, si une fourmi est consciente, il n’est peut-être pas anodin de l’écraser…

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 513-514, juillet-août 2016.


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