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Compte rendu du livre :

Retours à Kant.
Introduction au néokantisme,

de Massimo Ferrari,

Traduit de l'italien par Thierry Loisel,
Les Éditions du Cerf (Passages), 2001.

      Pour ne s'en tenir qu'à la théorie de la connaissance, Emmanuel Kant à marqué l'histoire de la philosophie en opérant une véritable révolution « copernicienne ». En se demandant comment la connaissance était possible, il a en effet établi que ce n'était pas elle qui se réglait sur les objets, mais les objets qui devaient se régler sur elle ! Autrement dit, pour Kant, tout ce que nous savons de la réalité est essentiellement dépendant des moyens dont nous disposons pour l'appréhender. Cela implique que nous n'avons accès qu'aux phénomènes (ce qui paraît), et non aux choses en soi (aux choses telles qu'elles sont indépendamment de nous).
      Cette distinction entre phénomène et chose en soi n'est toutefois pas sans poser de problèmes. Par exemple, dire qu'une chose en soi est cause de ma perception, c'est porter un jugement qui dépasse le phénomène et c'est donc nier que l'on n'a accès qu'à ce dernier. Mais rejeter l'existence de la chose en soi, c'est affirmer de façon problématique qu'un phénomène existerait sans qu'il y ait rien qui apparaisse. De plus, la limite que Kant avait imposée à la connaissance pouvait paraître factice, puisqu'en opposant, en préalable à son analyse, le sujet connaissant à l'objet à connaître, il se trouvait de fait dans l'incapacité ensuite de les faire se correspondre. D'où les différents idéalismes spéculatifs développés par les post-kantiens (Fichte, Schelling, Hegel), qui identifièrent dès le départ le sujet et l'objet.
      Toutefois, à partir de 1860, on assista à une vaste réaction contre cet idéalisme spéculatif qui prit la forme d'un « retour à Kant », comme le rappelle ce riche tableau du néo-kantisme, malheureusement trop cursif. Il y eut ceux qui, assumant les limites de toute connaissance, se tournèrent vers l'analyse physiologique pour comprendre comment la réalité prenait forme à travers notre perception. Il y eut aussi, pour prendre encore un exemple parmi tant d'autres, ceux qui, avec l'École de Marbourg, considérèrent que c'était l'esprit qui produisait son propre objet de connaissance. Mais quelle que soit la forme qu'il prit, ce néokantisme qui domina un moment les études philosophiques allait à son tour décliner après 1920, sans pour autant que les problèmes soulevés par Kant soient résolus. D'où l'intérêt qu'il y a à revenir sur cette postérité de Kant qui offre encore matière à réflexion.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 130, août-septembre 2002.

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