L’univers livresque
de Thomas Lepeltier
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Compte rendu du livre :
 
Testosterone Rex.
Unmaking the Myths of Our Gendered Minds,
de Cordelia Fine,
Icon Books, 2017.

En raison des différences physiologiques entre les hommes et les femmes, de nombreux biologistes avancent que les deux sexes ont dû adopter, au cours de l’évolution, des stratégies de reproduction différentes d’où découlerait tout un ensemble de caractères et de comportements spécifiques. Notamment, les femmes seraient, par nature, plus sélectives dans le choix de leur partenaire sexuel et davantage tournées vers l’éducation des enfants ; quant aux hommes, ils seraient plus volages, plus téméraires et plus compétitifs. Autant de différences qui seraient liées à la testostérone. Davantage présente chez les hommes, elle serait responsable des caractères dits masculins, en particulier l’agressivité. Mais, pour Cordelia Fine, professeur d’histoire et de philosophie des sciences à l’Université de Melbourne, cette histoire du « Roi testostérone » ne tient pas la route. Aussi entreprend-elle dans ce livre de la déconstruire de bout en bout.

Pendant longtemps, une caution scientifique importante de cette conception provenait d’une série d’expériences sur des mouches effectuée dans les années 1940. Elle semblait confirmer que, pour maximiser leur succès reproductif, les femelles se devaient d’être sélectives alors que les mâles avaient intérêt à être aventureux. Mais voilà, des études plus récentes ont montré que ces expériences étaient biaisées en faveur de cette conclusion préétablie et que, refaites proprement, elles indiquent au contraire que les femelles ayant la plus grande descendance sont celles qui ont le plus de partenaires sexuels. En outre, il s’est avéré que les mâles n’ont pas intérêt à trop multiplier les aventures s’ils veulent maximiser leur descendance. Compte tenu des périodes limitées de fertilité des femelles, ils doivent en effet être capables de bien les choisir. Parfois, la monogamie peut même s’avérer payante. Quant aux enquêtes plus récentes supposées montrer que les hommes ont, par exemple, davantage le goût du risque, elles apparaissent désormais caduques. De fait, ayant le défaut de sélectionner uniquement des risques culturellement associés à la masculinité, elles ne peuvent révéler ceux pris par les femmes. Enfin, pour donner un dernier exemple, le taux de testostérone, loin d’être une donnée fixe, varie en fonction du contexte. Impossible donc d’en faire un marqueur psychologique du genre. Chemin faisant, l’auteure déconstruit ainsi nombre de stéréotypes sur le genre et nous offre une belle leçon d’épistémologie qui n’est pas sans comporter un message politique fort…

Thomas Lepeltier,
La Recherche, 525-526, juillet-août 2017.


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