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Compte rendu du livre :

Le Pouvoir psychiatrique.
Cours au Collège de France (1973-1974),

de Michel Foucault,

Gallimard/Seuil/Hautes Études, 2003.

      Dans L'Histoire de la folie à l'âge classique (1961), Michel Foucault avait étudié l'évolution de la perception de la folie, en se concentrant principalement sur les XVIIe et XVIIIe siècles. Dans ce cours donné au Collège de France douze ans plus tard, il est moins question d'entreprendre une réflexion qui relève de l'histoire des mentalités que d'analyser comment au début du XIXe siècle un dispositif de pouvoir a prétendu être un lieu de savoir. Foucault nous dit ainsi qu'à la fin du XVIIIe siècle le fou était quelqu'un qui se trompait et qu'il fallait donc, pour que la folie disparaisse, déjouer le mécanisme de l'erreur. Mais, au début du XIXe siècle, le fou devient celui qui ne se maîtrise plus ; d'où l'idée que sa soumission conduira à sa guérison. Il s'ensuit que la thérapeutique devint un affrontement inégal entre deux volontés : celle du médecin, ou celui qui le représentait, et celle du malade.
      Foucault s'attache longuement à montrer comment se met en place cette volonté coercitive de l'institution asilaire à travers tous les dispositifs de contrôle des individus. Ce système disciplinaire n'est bien sûr pas étranger à celui qui se développe dans d'autres institutions en ce début du XIXe siècle, et que Foucault décrira également en profondeur pour le système pénal dans son livre Surveiller et punir (1975). Pour l'instant, cette analyse lui permet de montrer que, dans un hôpital qui n'est qu'un dispositif disciplinaire, il était nullement question de produire la « vérité » de la maladie, mais uniquement d'en provoquer les soi-disant manifestations pour les réprimer. Ce qui conduit Foucault à considérer que les simulations opérées par les hystériques de Charcot ne font d'une certaine manière que souligner toute la faillite de ce prétendu savoir thérapeutique.
      Si elles s'arrêtent aux années 1870 environ, ces analyses s'appliquent bien sûr au-delà. Elles font d'ailleurs explicitement écho au mouvement antipsychiatrique à son apogée dans les années 1970. De façon un peu provocatrice, Foucault fait même de l'hystérique le premier « militant de l'antipsychiatrie ». Ces perspectives stimulantes font tout l'intérêt de ce cours, par ailleurs un peu touffu, en tout cas moins précis que l'ouvrage de Jan Goldstein, Consoler et classer. L'essor de la psychiatrie française (Les Empêcheurs de penser en rond, 1997), qui couvre la même période.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 148, avril 2004.

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