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Compte rendu du livre :

Expliquer la vie.
Modèles, métaphores et machines en biologie du développement,

de Evelyn Fox Keller,

Traduit de l'anglais par Stéphane Schmitt,
Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), 2005.

      Il n'y aura probablement jamais de réponse définitive à la question « qu'est-ce que la vie ? », ne serait-ce qu'en raison de l'évolution constante des modalités d'explication du vivant. C'est en tout cas ce qui ressort de ce livre où sont analysées différentes tentatives d'explication de la nature et de l'origine de la vie, toutes effectuées au XXe siècle. De fait, loin d'être une simple histoire de la biologie du développement, ce parcours historique se caractérise par l'attention portée à l'évolution constante du registre dans lequel se situent de telles explications.
      Par exemple, au début du XXe siècle, certains chercheurs tentèrent d'expliquer l'émergence du vivant en essayant de reproduire le comportement du protoplasme à partir de combinaisons artificielles de matière inerte. Que des cristaux sous pression osmotique puissent prendre une allure quasi-végétale était merveilleux. Mais qu'est-ce que cela montrait quant à la nature du vivant ? Plutôt que chercher à comprendre les processus biologiques d'après leurs similitudes avec des processus chimiques ou mécaniques, fallait-il essayer de modéliser mathématiquement ces processus ? L'idée eut peu d'adeptes. En revanche, avec l'arrivée de la génétique, la communauté des biologistes crut trouver dans la notion de « programme génétique » le moyen d'expliquer la formation des organismes vivants. Mais les explications ainsi développées, qui relevaient au bout du compte de procédés métaphoriques, rencontrèrent également leurs limites. Aussi est-ce désormais davantage vers la simulation informatique que se tournent certains chercheurs ; mais cela n'est pas, une fois encore, sans soulever des interrogations quant à savoir ce qui sera ainsi compris de la nature du vivant.
      En concluant que nous ne saurons probablement jamais expliquer la vie, l'auteur cherche moins à souligner les limites de nos capacités cognitives qu'à nous inviter à réfléchir sur la signification d'une notion de compréhension qui évolue en permanence.

Thomas Lepeltier, Sciences Humaines, 158, mars 2005.

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